L’entraîneur de France 7 revient sur l’actualité brûlante du moment et les longs mois de préparation pour son équipe. (Crédit photo : Jose Edo Valdecasa)

Six mois que l’équipe de France n’a plus disputé une compétition officielle. Si France 7 a tout de même participé au circuit européen cet été du côté de Faro et d’Hambourg, il s’agissait en réalité d’une grande majorité de joueurs faisant partie aujourd’hui de France Développement. Hormis quelques exceptions à savoir Nisié Huyard, Joris Simon, Thibaud Mazzoleni et Joachim Trouabal. Le reste du groupe, notamment les cadres, en ont eux profité pour récupérer après une saison éprouvante et c’est aujourd’hui une vingtaine de joueurs qui a repris le chemin de la préparation, dans un groupe qui pourrait être élargi. C’est en tout cas ce qui a fait l’actualité ces dernières semaines, notamment après les révélations d’Antoine Dupont qui a officialisé ce lundi 20 novembre à l’occasion de la Nuit du Rugby qu’il rejoindrait l’équipe au cours de la saison pour participer au circuit mondial et postuler à une place pour les Jeux Olympiques. Un émerveillement pour Jérôme Daret qui se sent fier de l’intérêt porté par le capitaine du XV de France : « Je remercie Antoine Dupont de vouloir en découdre avec l’équipe de France de rugby à 7. Le fait que l’un des meilleurs joueurs au monde souhaite rejoindre le groupe démontre quelque part que l’équipe a du potentiel pour aller chercher une médaille et qu’il a lui aussi envie d’aller la gagner. C’est une belle reconnaissance. » Si la mise à disposition d’Antoine Dupont avec France 7 reste encore à définir aujourd’hui, on commence déjà à réfléchir du côté du staff à son intégration qui doit être avant tout bénéfique à l’équipe : « Je ne vois pas pourquoi on refuserait l’entrée à Antoine Dupont dans ce groupe élargi de l’équipe de France pour qu’il puisse s’essayer à la pratique », admet l’entraîneur de la sélection. « Cela va nous permettre de voir si l’on arrive à fonctionner en équipe avec lui et s’il apporte véritablement une plus-value à ce groupe. Ce qui est le gage de tout joueur entrant ». Une entrée à anticiper, d’autant que son poste n’a pas réellement été défini et que l’on peut s’attendre à des surprises : « Quand un joueur rentre en équipe de France, il peut potentiellement évoluer du 1 au 7 », explique Jérôme. « Antoine Dupont a beaucoup de qualités et peut s’expertiser sur l’ensemble des postes. On verra donc où il se sent le plus à l’aise et là où l’équipe a le plus besoin de lui. Il faudra aussi regarder là où se font les meilleures connexions avec les autres joueurs pour qu’avec ou sans lui, chacun puisse exprimer son potentiel maximum. » Si Antoine Dupont semble un cas à part, le groupe de France 7 n’est pour autant pas fermé aujourd’hui pour le staff qui fera tout pour optimiser la performance collective : « Pour performer sur une saison régulière, il nous faut un effectif d’à peu près 30 joueurs, notamment lors de cette saison âpre qui nous emmènera jusqu’aux Jeux Olympiques », poursuit le stratège landais. « Cela nous permet d’anticiper tous les scénarios, notamment ceux qui pourraient nous emmener à l’échec comme la blessure ou la contre-performance de certains joueurs. Des Antoine Zeghdar, Rayan Rebbadj, Nelson Epée ou Dimitri Delibes font des aller-retours permanents et cela permet de nourrir ce groupe sur le fait qu’il y a une concurrence et que rien n’est figé. Aujourd’hui, l’équipe de France n’appartient à personne. Elle fait partie du paysage du rugby français, donc tout joueur peut avoir la possibilité de l’intégrer. Cela reste donc ouvert et beaucoup de choses vont se passer d’ici juillet prochain. Malgré tout, l’expérience collective est primordiale et travailler en équipe dans les codes du rugby à 7 est capital. Tout se fera de manière constructive, pragmatique et dans la durée. On sent que l’on travaille bien et que l’on est soutenus par tout un écosystème, la Fédération Française de Rugby, la Ligue Nationale de Rugby, les clubs, l’Agence Nationale du Sport. Tout ça fait que les choses avancent, progressent et se construisent autour de cette ambition d’aller chercher une médaille sur la compétition suprême du sport planétaire. »

En attendant, ce sont les joueurs confirmés qui ont entamé la préparation pour cette saison avant l’arrivée potentielle de nouveaux éléments. À Capbreton tout d’abord, où les Bleus ont pu défier les lois de l’océan accompagnés par la spécialiste en la matière. « On a fait intervenir Stéphanie Barneix, championne du monde de sauvetage côtier et engagée dans la lutte contre le cancer. Avec elle, nous avons abordé le chemin de la résilience en amenant les joueurs à sortir de leur zone de confort pour qu’ils aillent toucher du doigt cette puissance-là. Car on a toujours l’impression de connaître l’océan, mais il faut l’aborder avec beaucoup d’humilité. Stéphanie est un modèle de résilience et nous a envoyé des signaux comme quoi le plus important était l’instant présent et qu’il ne faut pas se perdre à regarder trop loin devant ou trop loin derrière. Elle nous a également amenés à découvrir le métier de sauveteur côtier, ce qui a sorti les joueurs de leur écosystème puisqu’ils ont pu voir l’existence de ce métier, le fait de prendre des décisions sous haute pression, de s’engager collectivement, d’avoir du leadership et des interactions pour pouvoir sauver des vies. » Le programme s’est enchaîné avec un stage aux Fidji pour 17 chanceux, même si cela n’a pas été de tout repos chez ces spécialistes de la discipline : « On avait hâte d’en découdre et d’aller se confronter aux meilleurs au monde », justifie Jérôme. « On a pu se challenger avec les Fidjiens autour des valeurs de l’olympisme dans le respect, l’amitié et l’excellence. » Il faut dire qu’après une quatrième place historique pour le rugby à 7 français sur le circuit mondial, les Tricolores commencent aujourd’hui à être considérés par les plus grands et l’invitation des Fidjiens en est tout un symbole. Même si les objectifs de ce voyage étaient bien affichés dès le départ : “Quand on affronte les meilleurs, on est là pour apprendre. On se demandait comment les Fidjiens faisaient pour être aussi performants dans les moments clés. Ce qui est fabuleux, c’est qu’ils vont chercher dans cette dose d’engagement et d’excellence beaucoup de joie, d’enthousiasme et de créativité à l’arrivée. On a collaboré avec la concurrence quelque part, mais cela nous a nourris.” Cette joie, elle a notamment été transposée dans un exercice particulier, celui des dunes de Sigatoka, car tout comme les filles, les garçons se sont frottés à cette tradition des sportifs fidjiens de haut-niveau. « Les dunes de Sigatoka étaient extrêmement dures. Mais les deux équipes se sont nourries d’une énergie folle. Ce qui est incroyable, c’est le plaisir qu’ils ont eu à se dépasser et à se soutenir malgré tout. Car il fallait de la force mentale et une dépense énergétique forte pour gravir cette montagne de sable. » Sur la partie rugbystique, les Français se sont opposés à plusieurs reprises en situation réelle face aux Fidjiens mais aussi les Samoans à l’occasion d’un « Fast Three ». Avec deux victoires contre les Fidji puis contre les Samoa, mais aussi deux défaites contre leurs invités, le bilan s’est voulu tout de même plutôt rassurant pour l’encadrement à quelques semaines du lancement de la saison sur les World Series :  » Je suis assez satisfait de ce que l’on a produit », résume Jérôme. « Notamment lors de ses confrontations directes avec la présence de l’arbitre international Tevita Rokovereni. Cela nous a permis de mettre en place des stratégies et des plans de jeu d’action, c’était hyper riche. Tout ayant l’ambition de se dire que nous ne sommes pas encore au meilleur de notre potentiel et que l’on a une marche de progression. C’est ça qui est intéressant. »  Un rapprochement entre de multiples « chercheurs d’or » comme le raconte le sélectionneur. Une quête à travers laquelle la France à rencontrer le bronze et l’argent sous l’ère Daret et espère bien bousculer la hiérarchie grâce à ce type d’apprentissage.

Mais la préparation du staff pour cette saison olympique s’est étendue sur plusieurs plans. Notamment l’In Extenso Supersevens sur lequel le suivi a été encore plus accru cette année pour dénicher de nouveaux talents susceptibles de rejoindre les rangs de France 7. « Cette compétition nous permet d’évaluer des joueurs sur la discipline et nous avons cette année travaillé en profondeur avec la Ligue Nationale de Rugby pour optimiser la détection » , précise-t-il. « On essaye donc de confronter notre analyse à l’activité des joueurs sur le terrain, et ce de manière multifactorielle avec ce qui pourrait correspondre à notre système de jeu. Il y a donc des joueurs que l’on suit et des joueurs qui confortent ce que l’on sait déjà d’eux comme Thomas Carol ou Hoani Bosmorin qui fait partie de l’Académie Olympique ». L’Académie Olympique, cette institution lancée pour regrouper les futurs talents de demain au sein des plus jeunes générations. L’In Extenso Supersevens, c’était aussi l’occasion pour l’encadrement de procéder à une analyse de données approfondie puisque des spécialistes en la matière étaient présents sur l’ensemble des étapes. L’occasion de démontrer que le travail mené par les clubs sert aujourd’hui à l’équipe fanion. « La compétition a encore bien progressé cette année », décrit Jérôme Daret. « On voit que sur l’intensité, la résilience des joueurs, on se rapproche des World Series, même si ça reste à consolider. Il faut donc pousser les joueurs et les coachs à optimiser leur travail davantage pour maximiser aussi l’expérience du public ! Pour être allé à Lyon, à Pau et à Paris La Défense Arena, lorsque l’on entend les commentaires dans les tribunes, les gens se régalent ! Il faut aussi que l’on réponde aux attentes de chacun car il y a aujourd’hui des programmes à l’UBB, à Clermont-Ferrand ou à Pau qui deviennent de plus en plus structurés et qui amènent de la richesse. Les joueurs prennent en tout cas beaucoup de plaisir et mettent de l’engagement sur les matchs, je pense donc qu’on est dans la bonne direction. Cela nous amène encore une fois de la valeur ajoutée et sert d’ascenseur pour les joueurs vers l’équipe de France. »

Le staff de France 7 a profité du Supersevens pour suivre ses joueurs déjà confirmés et dénicher de nouvelles pépites dans le cadre du programme olympique. (Crédit photo : Antoine Saillant)

Une équipe de France qui reprendra le chemin de la compétition dans une semaine et qui s’est également servie des statistiques pour effectuer le diagnostic de l’année passée. Parmi elles, est ressortie une efficacité sur un secteur clé : la défense. « Les statistiques sont très importantes pour nous. On tend vers une exigence de l’analyse et aujourd’hui, des indicateurs sont au vert pour nous permettre de dire que nous sommes dans la réalité des choses », explique le passionné de la data. « Des fois, ce n’est pas parce que certains joueurs démontrent des statistiques fulgurantes sur certains domaines que c’est une efficacité collectivement pour nous. On s’est rendus compte notamment qu’on avait une défense de marque, qui nous permettait de marquer des points. Ce qui est un vrai standard, car nous sommes dans le top 3 des meilleures défenses du circuit. Nous avons en revanche besoin de peaufiner notre secteur offensif car de ce côté, nous sommes plus dans le top 7. On sait donc ce que l’on a besoin d’aller chercher pour optimiser notre performance cette saison. Notre gestion du temps, nos changements de rythme sont des éléments très importants, et nous avons besoin aujourd’hui d’amener plus d’efficacité dans les zones de marque et de mieux gérer les situations sous haute pression. » Une progression qu’il faudra afficher d’entrée à Dubaï dans un format réduit à douze équipes qui devrait emmener encore plus de concurrence, d’autant que les Bleus retrouveront leurs amis Fidjiens dans la Poule C : « Il y a beaucoup d’excitation et les joueurs ont envie d’en découdre. Ils sont très déterminés, engagés et ils savent que le modèle va être extrêmement intense et énergivore. Chaque action, chaque ballon va être déterminant, chaque match va être d’un enjeu majeur. Ce qui va nous amener une belle opportunité pour bousculer la hiérarchie mondiale, car nous ne faisons pas partie des favoris, mais nous sommes dans la roue. Concernant les Fidjiens, cela va être extraordinaire de les retrouver après s’être préparés avec eux. On sait ce qui nous attend et on aimerait leur envoyer quelques signaux aussi. » France 7 retrouvera également les États-Unis et la Grande-Bretagne au Sevens Stadium, deux équipes plus instables qu’il faudra tout de même prendre avec beaucoup d’humilité. Les Français arriveront ce samedi après avoir bénéficié de quelques jours supplémentaires à la maison à la différence des filles, une explication qui se trouve à travers la dernière saison vécue par l’effectif : « On sort d’une saison à rallonge où l’on a joué 16 tournois. Il va y en avoir 8 cette année avant les Jeux Olympiques. Ça reste très conséquent. Il faut savoir conserver aussi de la fraîcheur mentale car nous partons 200 jours par an où l’on vit ensemble 24h/24, ce qui est très fatiguant. Il faut donc que les joueurs soient frais dans la tête et arrivent avec beaucoup d’enthousiasme. On a exploré ça depuis plusieurs années et cela nous a fait bien progresser. Plus les joueurs sont bien dans leur esprit et leur corps, plus l’on arrivera à gravir les échelons. » Une opposition face à l’Espagne sera prévue dans la semaine avant de débuter le tournoi et la saison samedi 2 décembre en commençant par nos voisins britanniques.

Un duel franco-britannique attend les Bleus d’entrée à Dubaï. (Crédit photo : Jose Edo Valdecasa)