Figure du rugby à 7 français et entraîneur de l’ASM Sevens sur l’In Extenso Supersevens, Paul Albaladejo est revenu sur le tournoi de Vancouver qui a vu l’équipe de France prouver de belles choses, et manquer de peu l’occasion de faire tomber les cadors du circuit. (Crédit photo : World Rugby)

LE BILAN DE FRANCE 7

La frustration fidjienne…

Quand on voit le score, on se dit que l’on est vraiment pas loin. Mais quand on regarde le match, nous sommes si près et si loin également…Il y a encore beaucoup d’oscillations et nous manquons de constance pour maîtriser le match. Mon impression, c’est que les Fidjiens nous ont pris un peu de haut. Ils ont fait tomber quelques ballons, et même s’ils ont réussi à franchir pour marquer, ils s’y employaient quand même peu par rapport à d’habitude. Alors que les Français devaient s’arracher beaucoup plus pour breaker. Le premier essai est assez significatif, les Bleus s’y filent, notamment sur les contre-rucks, mais finissent par l’encaisser. Malheureusement, on s’emploie énormément, sans pour autant avoir de résultats aujourd’hui sur les matchs importants. Il faut tout de même positiver, nous sommes sortis des poules, ce qui n’avait pas été le cas à Singapour.

Absence de Parez et joueurs émergents

Stephen Parez est un leader, un meneur de jeu. Certainement qu’il a manqué un peu sur cette étape-là, mais j’ai bien aimé l’attitude de Jonathan Laugel qui a été omniprésent face aux Fidjiens. On voit également arriver de jeunes joueurs, et c’est bien qu’ils prennent du temps de jeu. Un joueur comme Nelson Épée n’a aujourd’hui rien à envier à des Moneta, Isles ou Baker ! Cette génération de jeunes joueurs émerge, c’est leur première saison à plein temps sur le circuit mondial. Le bilan sera fait sur ces joueurs-là après Los Angeles. Ils vont encore apprendre, de leurs points forts et faibles, des hauts et des bas, de l’enchaînement des matchs contre les meilleurs. De jouer les Fidjiens en quarts et d’enchaîner avec les Sud-Africains, c’est très intéressant pour eux. Ils vont mesurer le travail qu’il reste à faire pour figurer parmi l’élite.

Défense à revoir

Il faut que l’on arrive peut-être à se détacher de l’aspect offensif que nous impose le rugby à 7 avec l’enchaînement des essais. Pour moi, notre plus grande marche de progression repose sur la partie défensive. Nous avons aujourd’hui du mal à nous structurer et imposer un pressing défensif haut. La défense est en place et les principes sont compris. Sur les premiers temps, nous sommes connectés et ça se voit clairement sur les images. Ce qui me frappe, c’est vraiment la montée. Nous n’arrivons pas aujourd’hui à étouffer l’adversaire et presser le porteur de balle pour récupérer le ballon le plus vite possible. On est plus sur du contrôle, et on se met sur le reculoir assez rapidement, ce qui fait que nous sommes finalement désorganisés et que nous prenons beaucoup d’essais. Sur l’aspect offensif, nous avons peu à envier aux autres équipes. Nous sommes en place et nous arrivons à marquer de très beaux essais par des joueurs comme Jordan Sepho, Nelson Épée ou Joachim Trouabal. Mais si nous arrivons à gommer nos défauts et à monter en puissance sur l’aspect défensif, nous pouvons vraiment aller chercher des résultats sur cette fin de saison !

LES COUPS DE COEUR DU TOURNOI

L’Argentine, un vainqueur surprise ?

Surprise oui et non. Au début du tournoi, effectivement, personne n’aurait misé sur eux, mais ils faisaient tout de même partie des 4-5 favoris à la victoire finale. Les Argentins sont montés en puissance, cela fait maintenant plusieurs années qu’ils sont régulièrement présents parmi les six meilleures nations au monde. Ils sont dans la constance, validée avec la médaille de bronze à Tokyo, et possèdent de jeunes joueurs talentueux qui sont arrivés, associés à une ossature de joueurs expérimentés à l’image du capitaine Gaston Revol. Et ils sont aujourd’hui récompensés par une victoire sur le circuit, donc un grand bravo à eux ! Marcos Moneta arrive à débloquer des situations à lui tout seul, notamment grâce à un jeu au pied encore très présent dans le jeu argentin. Ça fait partie de leur bagage. Il y a aussi une phase de jeu très importante chez eux, ce sont les coups d’envoi. Des joueurs comme Joaquin De la Vega ou German Schultz ont été impressionnants dans les airs. Derrière, une fois le ballon récupéré, ils ont réussi à garder la possession et débloquer des coups grâce notamment à Moneta. C’est une équipe aussi très en place défensivement, qui monte très haut, verrouille le milieu de terrain et est assez difficile à prendre.  Mais nous pouvons faire des parallèles avec l’équipe de France. Nous ne sommes aujourd’hui pas loin d’imiter cette équipe.

L’Australie encore favorite, les Samoa en pleine renaissance

De mon côté, j’avais mis une pièce sur l’Australie qui possède des joueurs vraiment remarquables comme Dietrich Roache, Josh Turner ou l’insaisissable Corey Toole. L’équipe australienne va être présente jusqu’à la fin de saison et aura peut-être l’opportunité de remporter le circuit. À voir comment se comportent les Sud-Africains jusque-là, ils ont enchaîné les hauts et les bas sur Singapour et Vancouver. Mais l’Australie est très impressionnante avec sa nouvelle génération de joueurs. L’effet marquant, c’est aussi de voir les Samoa en place. C’est une équipe qui a souffert de la période Covid, le programme a été complètement stoppé. Ils n’ont quasiment pas joué pendant deux ans, mais font émerger une nouvelle génération de joueurs bien présents puisqu’ils viennent d’enchaîner deux Cup.

TOULOUSE À L’HORIZON

Quelle place pour les Bleus avant Toulouse ?

Le programme français a aujourd’hui des moyens, ils effectuent du plein temps, ce n’est pas le cas de tout le monde. Malheureusement, nous n’arrivons pas à accéder au Top 5 et enchaîner les performances en Cup. Jérôme Daret disait en début d’année qu’il voulait enchaîner les demi-finales et faire un maximum de podiums. Force est de constater que nous n’avons pas fait un seul podium et que nous n’avons atteint qu’une fois les demies. Néanmoins, il reste trois tournois. Il va donc falloir se mobiliser pour aller chercher le Top 5, d’autant que nous avons perdu à nouveau une place, et que les Néo-Zélandais reviennent. L’objectif de la saison, c’est d’être présent à la Coupe du monde, mais il serait bien pour la confiance de postuler dans le Top 5 et de se challenger sur les trois derniers tournois, notamment Toulouse qui arrive. Le premier challenge va être déjà de passer systématiquement en Cup. C’est aujourd’hui je pense, la place de l’équipe de France. Mais on peut espérer mieux. Ça ne se joue à rien à Singapour ! À Vancouver, on passe en Cup et contre les Fidjiens on n’est vraiment pas loin ! Mais on peut basculer aujourd’hui en demie, en finale, voire même remporter un tournoi ! Comme l’a fait l’Argentine ! Ce n’est que du détail, comme dans tout sport collectif de haut-niveau. Jérôme Daret parle beaucoup de psychologie, de leadership. Aujourd’hui, nous sommes un peu un ton en-dessous des équipes majeures du circuit à ce niveau-là, mais cela peut encore basculer sur la fin de saison ! D’autant que le tirage pour Toulouse est intéressant (Fidji, France, Pays de Galles, Kenya)…Le premier match à Toulouse sera très important. À voir si ce sera le Kenya ou le Pays de Galles, mais il ne faudra pas faire de statistiques et très vite le remporter pour se positionner pour la Cup.