Instigatrice de la professionnalistion du rugby à 7 féminin en France, Rose Thomas suit toujours aujourd’hui de très près ses anciennes coéquipières. Le week-end dernier, elle avait les yeux rivés sur Langford pour observer leurs performances. (Crédit photo : FFR)

LE BILAN DE FRANCE 7

Débus maîtrisés

Ce n’est jamais facile de passer 30 points à des équipes. Mais elles ont su imposer leur jeu. Je les ai trouvé assez propres dans leur lecture. Même si les équipes en face ne proposaient pas forcément une défense très agressive, ce qui fait qu’elles n’ont pas eu besoin de déplacer le ballon de manière très large pour pouvoir marquer sur des premiers coups. Les filles ont enclenché leurs duels assez tôt et c’est passé donc tant mieux. J’ai trouvé leur première journée très appliquée et ça faisait plaisir de les revoir à ce niveau-là de compétition.

L’adaptation au piège fidjien

C’est toujours dur d’être menée (ndlr : 0-14 en trois minutes), mais elles font une très belle deuxième mi-temps face aux Fidjiennes. Et jouer les Fidji, ce n’est jamais simple, car on a l’impression qu’elles sont toujours un peu désorganisées. Mais cette désorganisation est travaillée, dans la volonté de faire vivre le ballon continuellement et de limiter les phases de rucks. C’est ce qui peut mettre en difficulté des équipes qui agressent beaucoup, car cela créer des brèches et elles ont su s’engouffrer dans celles-ci en première mi-temps. Les Françaises ont rectifié le tir ensuite en étant un peu plus patientes et en amenant le ballon vers les extérieurs, tout en y associant de la continuité. Ce qui fait que parfois, même en étant plaquées, elles arrivaient à dégager les bras, un peu à la “fidjienne”. Grâce à ça, elles s’en sont sorties.

L’exigence néo-zélandaise

Malheureusement, face à des Blacks beaucoup plus organisées, ça a pêché. Lorsque l’on n’a pas le ballon face à des équipes comme ça, c’est compliqué. Même si défensivement, les Bleues étaient plutôt en place. J’ai le souvenir d’une séquence défensive avant la mi-temps où les filles se battent, et les Blacks n’arrivent pas à marquer. Je pense que les joueuses ont passé un niveau défensivement face aux Blacks, en les empêchant notamment d’aller chercher les extérieurs. Elles aussi ont voulu défendre sur les épaules extérieures, mais quand je revois l’essai de Chloé Pelle qui rentre dans son ballon et les prend à contre-pied, cela marque l’intelligence dans le jeu de cette équipe de France. Arriver à se dire qu’elles défendent un peu comme nous, donc qu’il faut les prendre à contre-pied. Malheureusement, ce qui a pêché, c’est le secteur technique. Là où les Blacks ont été irréprochables sur leurs passes. Et puis derrière, le moindre plaquage manqué contre les Néo-Zélandaises, ça ne pardonne pas. Les filles ont été pénalisées de suite. Les Black Ferns sont revenues à un très haut niveau, mais on voit que sur une mi-temps il y a de quoi rivaliser. Sur la longueur, il faut éviter les moindres petites erreurs dont elles peuvent tirer profit.

Irlande et manque de fraîcheur

Le ressenti que j’ai eu, c’est que les Irlandaises ont joué sur les atouts et leur joueuse phare Murphey-Crowe. Elles ont cherché à éviter au maximum le duel physique, car je pense qu’elles savent que les Françaises étaient meilleures qu’elles. Par contre, elles avaient des pattes sur les extérieurs et avec la défense tricolore et les épaules tournées vers l’extérieur, le moindre plaquage raté, ça va très vite. Je pense que sur ce match-là, elles ont manqué un peu de fraîcheur. L’équipe a peu tourné, ce sont un peu les mêmes joueuses qui ont été sollicitées et peut-être que cela s’est un peu ressenti sur cette petite finale. Mais David Courteix fonctionne beaucoup comme ça. Il a un 7 voire 10 “type”, et essaye de conserver les joueuses en leur donnant du temps de jeu progressivement, pour pouvoir l’augmenter après. Langford était l’avant-dernier tournoi et après une coupure, je pense qu’il avait envie que les filles retrouvent des repères collectifs, en se basant sur son noyau dur. Pourtant, cela aurait peut-être mérité de faire tourner plus tôt par moment. Cela a été un de mes étonnements. La novice Marie Dupouy ou encore l’expérimentée Montserrat Amédée ont eu notamment très peu de temps de jeu. Face à des équipes comme le Brésil ou le Japon, je pensais qu’il y aurait eu plus de rotation. Mais David a fait le pari d’attaquer avec un 7 type. Malheureusement, sur la deuxième journée, le match contre les Blacks a un peu attaqué les esprits et on n’a pas su derrière réitérer contre l’Irlande. Je pense que l’on a manqué de fraîcheur mentale, plus que de fraîcheur physique. On voit notamment la différence avec des équipes comme les Blacks, qui font beaucoup tourner. J’ai en tête par exemple que Portia Woodman n’a quasiment pas commencé un match. C’est une gestion différente. Du côté des Françaises, on a toujours un peu fonctionné comme ça. Alors est-ce qu’il faudrait que l’on passe un cap là-dessus, je ne saurai pas dire…

Défense en place, patience à travailler

Un secteur qui a bien marché malgré les deux défaites, c’est la défense. Les Françaises ont été propres sur les 1 vs 1 et elles ont également réussi à gratter quelques ballons. Ce qui n’est pas négligeable. Les coups d’envoi restent eux par contre à travailler, notamment lorsqu’ils sont tapés. Les Françaises peuvent se permettre d’aller les chercher haut, il y a des joueuses aériennes et je pense que c’est un secteur qu’il faut mieux exploiter. Et puis, il nous faut un peu plus de patience. Lors de la première journée, des duels ont parfois été déclenchés un peu tôt, alors qu’il y avait des essais tout fait en déplaçant le ballon vers l’extérieur. Il faut donc attendre plus par moment pour déclencher le déséquilibre clair et évident, et pouvoir être sûr de marquer. Face à des équipes un peu plus faibles, elles arrivent souvent à s’en sortir sur les appuis ou des offloads, mais face à des plus grandes équipes, cette patience-là a manqué.

LES COUPS DE COEUR DU TOURNOI

Le retour des Black Ferns

Elles étaient plutôt en place, on voit qu’elles n’ont pas chômé pendant ses deux ans. Elles ont continué à bien bosser et je les ai trouvées très bonnes techniquement. Dans leur capacité à déplacer le ballon, à récupérer beaucoup de ballons sur les coups d’envoi. On les a retrouvées à un très bon niveau. Maintenant, la fatigue causée par l’enchaînement des matchs s’est fait ressentir. Que ce soit sur la finale, même si elles la perdent d’un rien (ndlr : 17-21), mais aussi sur le dernier match de poule face aux Fidjiennes. Un tournoi à 7, on a beau le préparer, rien ne vaut un tournoi de ce niveau-là pour être dans les conditions. Je ne les ai donc pas trouvées à leur meilleur niveau, mais elles ont malgré tout proposé du très beau jeu sur ce tournoi de Langford. Petit clin d’oeil à Woodman que l’on commence à retrouver à son meilleur niveau. Cela faisait longtemps qu’elle était absente et le staff des Blacks a peut-être trouvé le meilleur moyen de l’utiliser. Elle n’entame pas les matchs, mais peut faire très mal en tant que finisseuse. Quand elle est d’un côté et que Michaela Blyde est de l’autre, c’est compliqué de rivaliser…

Les Fidjiennes en perpétuelle progression

Les Fidji ont fait un très bon tournoi, même si le résultat n’a pas été là. Elles font notamment un très beau match contre les Blacks. Depuis les Jeux olympiques, je les trouve vraiment très bonnes. Heureusement, elles ont toujours du mal à jouer contre nous (rires) ! Mais c’est une équipe dont il faut se méfier. Car elle monte en puissance, et plus ça va aller, plus elles vont être difficiles à jouer, à l’image des garçons. 

J’ai trouvé également que cette médaille de Plate remportée par le Canada était une belle médaille. Après tout ce qu’elles ont traversé, arriver à remporter une cinquième place chez elles face aux Américaines, c’est un beau parcours.