Seulement cinq ans après ses débuts en club Outre-Manche, Aaron Grandidier-Nkanang a atteint un premier sommet du HSBC World Rugby Sevens Series en égalant le record du nombre d’essais marqués lors du Hong Kong Sevens. Une première pour un joueur de France 7. Portrait. (crédit photos : World Rugby)

Après la finale contre les Fidji en 2019, il était écrit qu’il allait se passer quelque chose pour l’équipe de France lors de ce grand retour du Hong Kong Sevens. Il n’y a pas eu de finale mais une belle médaille de bronze pour les Bleus et un record inattendu. Pour sa première dans la Mecque du rugby à 7 mondial, Aaron Grandidier-Nkanang est allé onze fois dans l’en-but de ses adversaires égalant au passage un record vieux de 22 ans. Du jamais-vu pour un joueur français surtout que ce dernier n’était même pas né lorsque le fijdien Vilimoni Delasau réalisait en premier cette performance à la fin du mois de mars 2000.

Dix jours après, le centre ou ailier des Bleus avait encore du mal à réaliser.« Quand je suis arrivé vers les 6 ou 7 essais, on se disait en rigolant que ce serait cool d’être meilleur marqueur mais ce n’était vraiment pas un objectif. Je ne pensais jamais être dans cette liste et encore moins au sommet… c’est dingue. En dessous de moi, avec 9 essais, il y a Perry Baker, c’était l’un de mes idoles quand j’étais petit. Je suis extrêmement fier ». À seulement 22 ans, Aaron a également inscrit son nom à côté du sud-africain Brent Russell qui égalait ce record en 2002 (meilleur marqueur du Circuit cette saison-là) et au dessus de la star samoane Mikaele Pesamino (meilleur joueur du monde à 7 en 2010 et meilleur marqueur de tous les temps de son pays), auteur de 10 essais en 2007. Ils ne sont donc que quatre joueurs à avoir atteint la dizaine d’essais dans le tournoi depuis les débuts du World Series en 1999-2000.

« Si j’ai brillé, c’est parce que l’équipe a fait une grosse performance collective. C’est grâce à eux que j’ai pu me régaler et marquer au bout des actions. On m’avait toujours dit que c’était un tournoi mythique, une étape à faire absolument, et franchement, on n’avait jamais senti une telle énergie sur un terrain de rugby. On marquait des essais après de longues séquences de défense, des contre-rucks, et on se sentait ultra-connectés« .

Le rugby n’était pourtant pas le premier choix de ce jeune londonien qui découvrait la discipline au collège à 11 ans mais le délaissait pour le basket « vers 13 ou 14 ans » : « j’étais clairement nul à ce moment-là et je ne rentrais pas dans les plans de l’équipe« , sourit-il aujourd’hui. Il s’inscrivait pour la première fois dans un club en 2017 à l’âge de 17 ans et se démarquait petit à petit de ses coéquipiers. Il était rapidement sélectionné avec les England Counties U18, « l’équivalent de France Universitaire pour les lycées anglais », et remportait deux tests face à l’Irlande avant de découvrir le 7 lorsqu’il étudiait le graphisme à l’université de Twickenham.

« Nous étions juste à côté de l’Académie anglaise de rugby à 7 et ils avaient besoin de joueurs pour faire un tournoi développement en Italie en 2019, raconte-t-il. Ils sont venus piocher chez nous et j’ai été choisi, c’est là que l’aventure à sept a vraiment commencé ». Sous le maillot anglais, Aaron Grandidier-Nkanang a également disputé un tournoi au CNR de Marcoussis face à France Développement. « On a joué trois matchs sur une journée, on a pris trois pilules mais c’est là que j’ai connu Thierry Janeczek et Nicolas Le Roux. J’ai joué face à Bibop (William Iraguha ndlr), Julien Blanc, Joachim Trouabal… Je ne les connaissais pas du tout ». Pisté par Toulon, Castres, Oyonnax et Brive, le joueur franco-anglais rejoignait finalement la Corrèze cette même année de ses 19 ans et disputait déjà son premier tournoi avec France Développement lors du Dubai Invitational Sevens en décembre.

Après deux matchs de Challenge Cup en 2020, Aaron a vécu ses trois premières titularisations en TOP 14 cette saison face à Castres, Bayonne et Paris. Engagé avec France 7 en tant qu’espoir conventionné, il s’épanouit parfaitement dans son double projet 15/7. « L’avantage, c’est que je peux vivre des choses incroyables avec le Sevens mais cela me laisse le pied dans la porte pour le 15 et des occasions de jouer en TOP 14 comme en début de saison. C’est incroyable pour mon développement et j’ai l’impression d’avoir beaucoup progressé depuis que j’ai intégré France 7 ». Numéro 14 avec le CAB, il porte généralement le numéro 6 avec France 7 bien que Jérôme Daret l’utilise aussi en bout de ligne comme à Hong Kong. Pour lui, il n’y a pas de préférence : « du moment que je joue et que j’aide l’équipe ».

En parallèle de son étonnant parcours rugbystique, il y avait le graphisme et également le mannequinat avec quelques défilés mais surtout des shootings pour du e-commerce comme le site ASOS. Désormais, Aaron est engagé dans des études de musique. « C’est ma passion en dehors du rugby, j’en fais en permanence chez moi quand je ne suis pas sur le terrain. J’ai commencé à faire des productions et si jamais il y en a une qui plait beaucoup, je la sortirai. Pour le moment, c’est mon kiffe perso ». Et même si c’est Nisié Huyard le DJ de France 7, Aaron mixe sous le pseudonyme Aztek avec un dernier mashup « Out like a light » qui cumule déjà plus de 700 000 vues sur Soundcloud et près de 150 000 sur Youtube. Tout est donc une question de rythme pour l’un des plus gros potentiels de France 7 qui cumule seulement huit tournois sur le World Series mais a toujours marqué au moins une fois depuis sa première à Malaga en janvier dernier. Avec 15 essais lors de sa première saison en 2022 et déjà 11 réalisations sur la première étape de l’exercice 2023, Aaron Grandidier-Nkanang n’a probablement pas fini de nous impressionner sous le maillot bleu selon son entraîneur. « C’est un joueur qui va encore grandir. On a un objectif très fort avec lui sur la défense et à partir du moment où il aura consolidé ça, son potentiel offensif va rayonner comme à Hong Kong. Maintenant, il va falloir continuer de performer, c’est le plus dur qui l’attend ».