Quelques jours après la médaille de bronze au Hong Kong Sevens, l’entraîneur de France 7, Jérôme Daret est revenu sur ce premier tournoi de la saison réussi pour les Bleus (crédit photo : World Rugby).

Jérôme, tu as démarré la saison à distance à cause du COVID, comment avez-vous géré cet imprévu avec le staff ?

Jérôme Daret : Depuis la période COVID, tout est construit pour que l’équipe soit la plus autonome possible avec la technologie qui nous aide à ça. J’ai un logiciel de management, Wimi, qui me permet de piloter à distance et d’optimiser pas mal de choses. J’avais les entraînements en live et j’étais en contact avec le reste du staff comme si j’étais présent. L’objectif pour nous, c’était de dédramatiser la situation et de faire comprendre aux joueurs que c’était déjà anticipé. Ils connaissent tellement bien la méthodologie d’entraînement, car elle est fabriquée de manière à ce qu’ils comprennent et qu’elle ait du sens, qu’il n’y a pas eu de surprise. Cela nous a permis d’expertiser ce process et d’apporter des choses constructives pour faire évoluer notre mode de fonctionnement afin d’être encore plus ciblé sur la gestion des moments critiques.

Le Conseiller Technique National et ancien entraîneur de France 7, Thierry Janeczek, est venu en renfort. 20 ans après avoir été l’un de ses joueurs dans ce même Hong Kong Stadium, vous étiez côte à côte sur le banc, comment l’as-tu vécu ?

JD : Même si je pouvais piloter à distance, c’est une décision prise avec Christophe Reigt pour éviter de se retrouver sous pression surtout dans l’hypothèse d’un cas de COVID supplémentaire dans le staff. Thierry est arrivé le jour du tournoi mais on avait eu pas mal de réunions en amont pour que ce soit le plus efficace possible et qu’on utilise son potentiel fort lors de la compétition. Après ma période d’isolement, j’ai décidé de le garder avec moi parce que c’était important à mes yeux. C’est grâce à lui que je me suis retrouvé à sept en 2000, c’est lui qui m’a sélectionné, qui était mon entraîneur et là, c’était mon assistant coach. C’est unique quand tu y penses. C’est hors-norme. Je regrette qu’on n’ait pas passé la demie car lui offrir une finale à Hong Kong ça aurait été magique.

Vous avez réalisé un parcours très solide avec notamment un sans faute en poule malgré plusieurs cadres absents et cinq novices en World Series, tu t’y attendais ?

JD : Au-delà de trois nouveaux, c’est un risque mais là c’était un risque calculé avec ces cinq « rookies ». Pour moi, il n’y a pas eu de surprise car c’est l’équipe qui a gagné à Elche et on savait qu’on pouvait faire quelque chose même si on n’avait pas de certitudes. Les autres joueurs qui n’étaient pas là étaient blessés ou ménagés car ils sortaient de la Coupe du monde et du Los Angeles Sevens. Notre devoir, c’est de consolider la performance de l’équipe de France et pour cela, on a besoin d’aller chercher d’autres joueurs. On va aller en chercher encore d’autres mais il y a aussi une stratégie de transmission qui est mise en place. On travaille sur le leadership pour que les joueurs permanents soient en capacité de soutenir cette performance.

France 7 a affiché un niveau de maîtrise impressionnant pour un premier tournoi, il y a eu du progrès collectivement sur ce point qui manquait lors des dernières échéances.

JD : On avance sur la maîtrise du tempo et les changements de rythme qui sont la clé de la haute performance. On commence à être bien là-dessus, il y a des petites évolutions dans notre projet de jeu qui apparaissent et on est en train de construire un système de performance qui va nous permettre, je l’espère, de gagner un tournoi. Mais ce n’est pas encore suffisant. On a besoin de progresser sur les prises de décision sous haute pression dans les moments clés. À 7 contre 5 face à l’Australie en demi-finale, ce n’est pas normal que l’on ne marque pas. On a des principes d’action dans ces zones à 7 contre 7 et quand on n’est plus dans ce rapport de force, il faut être capable de sortir du cadre. Gagner c’est être capable de ça et c’est notre marge de progression. Après, on va rester humble car tout va très vite dans un sens comme dans l’autre. Quand on voit que les All Blacks ne se sont pas qualifiés en quart pour la deuxième fois de suite sur un Series, c’est que le niveau est solide. Donc on sait qu’il va falloir continuer à travailler sur cette guerre psychologique et cette capacité à gérer les up and down car on aura des moments plus bas sur la saison. Il faudra qu’ils soient le moins bas possible pour qu’on remonte vite et que l’on permette à l’équipe de France de gagner en consistance pour aller glaner plus de podiums.

Une médaille de bronze à Hong Kong, c’est tout de même un début de saison idéal…

JD : Il fallait envoyer un signal fort car cela va être une saison sous haute pression avec la qualification olympique et quatre descentes. Il ne faut pas se louper à deux ans des Jeux Olympiques et je pense qu’on vient d’envoyer un petit message plutôt sympathique. Maintenant, comme au tennis, il va falloir tenir l’échange.

Paul Leraitre, Dorian Laborde, Théo Forner, Jefferson-Lee Joseph et Thomas Carol ont découvert le World Series, quel regard portes-tu sur leurs débuts ?

JD : Franchement, ce sont des mecs investis et à l’écoute. Ils ont eu du temps de jeu progressif, ils ont appris et ils ont réussi à exprimer leur potentiel à Hong Kong, la Mecque du rugby à 7 mondial, ce n’est pas rien. Ils ont bien compris que ce terrain renvoyait une énergie folle et ils s’en sont saisi, c’est top. Bien sur, il y a des erreurs, des lacunes et un manque d’expérience pour certains mais avec le coaching et les associations de joueurs, on a réussi à faire une bonne recette.

Un mot sur Aaron Grandidier qui a réalisé une prestation impressionnante avec 11 essais marqués, le record du tournoi depuis 2000, son année de naissance…

JD : Aaron, on connait le potentiel, il a fait une bonne Coupe du monde en impact player et là il a été super dans un positionnement en bout de ligne qui n’est pas celui que je lui préfère. C’est un numéro 6 mais il a alterné en 7, on va lui amener de la polyvalence en bout de ligne et peut-être devant si l’équipe en a besoin. C’est un joueur qui va encore grandir. On a un objectif très fort avec lui sur la défense et à partir du moment où il aura consolidé ça, son potentiel offensif va rayonner comme à Hong Kong. Maintenant, il va falloir l’aider à continuer de performer, c’est le plus dur qui l’attend.

Quelle est le programme pour France 7 d’ici les prochaines étapes du HSBC World Rugby Sevens Series ?

JD : On se retrouve au Centre Nationale du Rugby de Marcoussis la semaine prochaine avant la finale de l’In Extenso Supersevens. On va faire venir encore quelques nouvelles têtes avant de repartir très vite sur Dubai et Cape Town, les deux prochaines étapes du Circuit mondial. On aura un mini break à Noël avant d’enchainer sur la suite de la saison, c’est un marathon.