L’ancien international à sept tricolore, Jean-Baptiste Gobelet, décrypte la cinquième étape des HSBC World Rugby Sevens Series à Singapour, les performances de France 7 et se projette sur le prochain tournoi ce week-end à Vancouver (crédit photo : World Rugby).
LE BILAN DE FRANCE 7
Frustrant mais c’est la loi du Sept
Les Bleus ont fait une entame très correcte face au Japon et contre les Fidji, ils ont plutôt maîtrisé le match. Cela se joue dans les deux dernières minutes sur le carton jaune qui a débloqué la situation pour les Fidjiens. C’est dommage car les Français les ont mis à mal et il y a de très bonnes choses à ressortir. Contre les Irlandais, c’est différent car il y avait la pression d’une victoire obligatoire de minimum 13 points. L’Irlande est une équipe très forte en ce moment avec Terry Kennedy et Jordan Conroy mais les Bleus tenaient le match à la mi-temps (12-0) avec de belles séquences défensives, ils ont bien réussi à se connecter. En seconde période, il y a eu de plus en plus de petites fautes, quelques plaquages manqués, des erreurs de placement qui ont permis à l’Irlande de revenir. Louper la qualification en Cup avec deux victoires en trois matchs, c’est très frustrant car ça se joue à rien mais cela fait partie du rugby à sept. Tout se joue sur du détail, tout le monde peut battre tout le monde sur le premier jour et le goal-average est super important. La deuxième journée en Challenge, la France a fait le job et a maîtrisé ses adversaires. On voit que les Bleus sont au dessus de ces équipes-là, ils ont repris de la confiance avec trois victoires donc cinq succès en six matchs. Dans la globalité, même s’il n’y a pas eu de Cup, c’est un tournoi qui est prometteur pour la suite. Les voyants sont au vert.
Le plus gros potentiel offensif
Après avoir échangé avec quelques coachs, la France est perçue comme l’une des équipes les plus redoutables offensivement. Dès qu’il y a la possibilité de mettre de la vitesse, les Français sont très menaçants. Quand tu as Aaron Grandidier, Nelson Épée, Nisié Huyard ou Jordan Sepho qui accélère dans le couloir en numéro 6, cela apporte beaucoup de solutions. À ce moment-là, la France est l’équipe la plus dangereuse sur le Circuit mondial grâce à cette capacité impressionnante de jouer en offload.
Pour moi, la France est l’équipe qui a actuellement le plus gros potentiel sur les World Series avec des profils athlétiques ultras-doués qui correspondent au rugby à sept. On n’a pas vu ça depuis très longtemps. Avec l’expérience que ces joueurs vont acquérir au fil des années sur le Circuit mondial, ils vont être redoutables, c’est évident. France 7 est sur la bonne voie surtout que Jérôme Daret est un perfectionniste, il adore trouver des solutions pour son équipe.
Garder la vitesse dans les collisions
L’équipe de France est très forte offensivement quand elle a de la vitesse, les équipes adverses vont donc défendre avec un pressing fort pour fermer les extérieurs et éviter que le ballon aille dans les couloirs. L’Irlande a aussi mis une grosse pression au sol pour perturber les sorties de balles françaises. Du coup, beaucoup de rucks français se sont fait sans vitesse notamment sur certaines situations en bout de ligne. Si tu ne prends pas le contact avec de la vitesse, tu risques de charger. Sur la fin du match contre l’Irlande, les sorties de camps ont notamment été compliquées à cause de ça. L’Australie, le Kenya ou encore l’Argentine n’ont pas peur d’engager les courses et de faire un ruck en collision à pleine intensité. Tout réside dans la vitesse et la France a des joueurs qui vont très vite.
The try by Niles Huyard, but the pace from Nelson Epee 💨#HSBC7s | #Singapore7s | @FranceRugby pic.twitter.com/5njosQQFeP
— World Rugby Sevens (@WorldRugby7s) April 10, 2022
La défense, un point fort malgré des « essais cadeaux »
Dans l’ensemble, la France a un système défensif nettement plus perfectionné et c’est l’un de ses points forts. Ce qui m’a beaucoup plus dérangé, ce sont les essais « cadeaux ». L’Espagne sur un coup d’envoi, le Japon sur un contre-ruck… Ces réalisations souvent à zéro passe plombent un petit peu les Français et permettent à ses adversaires de revenir facilement sans trop dépenser d’énergie même si cela n’a pas eu d’incidence sur ces matchs. Ce n’est pas un problème de système collectif mais plutôt d’inattention à certains moments. Dans chaque temps faible, il faut réussir à se reconnecter, prendre un minimum de points et surtout ne pas donner d’essai cadeau à l’autre équipe.
Les sorties de camps à perfectionner
Le seul domaine où il y a vraiment à travailler pour moi, c’est la Red Zone. Dans les 22m, tu est soumis à beaucoup de pression et c’est toujours compliqué d’en sortir proprement voir de ne pas y perdre le ballon. Quand tu arrives dans les 22m adverses, tu dois marquer sur au moins 80% des coups. Dans ta Red Zone, il faut essayer d’assurer quasiment 100% de tes sorties de camps. La France n’est pas encore à ce niveau-là. On a vu qu’on savait bien jouer au pied avec l’essai de Nisié Huyard suite à un recentrage de Nelson Épée, cela peut être une solution. Mais c’est quelque chose de très difficile à maîtriser et toutes les équipes sur le Circuit sont concernées. Malgré ça, la France est capable et prête pour chatouiller les grandes équipes des World Series.
LES COUPS DE COEUR DU TOURNOI
Les Fidji « sans surprise »
Même s’ils ont eu du mal au démarrage à Dubai (4e et 9e) et qu’ils ont loupé la tournée espagnole, dès qu’ils sentent arriver les grands évènements comme les Jeux du Commonwealth ou la Coupe du monde, les Fidji redressent la barre. Ils mettent une danse aux All Blacks sur la finale (0-21 à la pause, 17-28 score final) avec comme d’habitude, des joueurs d’un niveau monstrueux qui ressortent comme le grand Joseva Talacolo ou encore Jerry Tuwai. Les Fidji sans surprise, même s’ils ont entamé un nouveau cycle avec Ben Gollings, c’est une grande équipe.
L’Australie et l’Argentine, deux gros dangers
Sur l’ensemble du tournoi, l’équipe qui m’a le plus impressionné, c’est l’Australie. Pour moi, les Australiens sont ultra-solides. Avec Corey Toole à l’aile qui a été assez monstrueux, Dietrich Roache au milieu de terrain qui est un gros stepper, William Hutchinson, Maurice Longbottom… En gros, tous ceux qui jouaient à l’aile avant sont désormais au milieu du terrain et ils sont très dangereux. Quand tu vois Longbottom prendre la balle au milieu, faire un travers en direction du couloir et emporter quatre défenseurs argentins en quart, c’est assez incroyable. L’Australie a de grosses qualités de vitesse et de l’expérience, c’est un danger.
L’Argentine de Santiago Gomez Cora, c’est aussi très épais. Ils perdent contre l’Australie en quart mais ils battent l’Afrique du sud et mettent 40 points aux États-Unis dans la foulée. C’est une équipe très dense et ce qui m’impressionne à chaque fois chez eux, c’est leur capacité à sortir la balle à une vitesse folle avec des soutiens très rapides comme les Springboks. C’est ce qui fait la différence. À très haute intensité et sous pression, ces équipes-là arrivent à garder leur capacité à jouer rapidement.
DIRECTION VANCOUVER
Choc thermique et petits détails
Je pars toujours du principe que les équipes qui n’ont pas été performantes sur le premier tournoi y arrivent sur le second. Le Canada est une étape avec un gros décalage horaire et un climat froid donc toutes les équipes de l’hémisphère sud vont être dans le dur. La France a une chance à saisir. Maintenant, sa poule est assez solide et encore une fois, deux victoires ne seront peut-être pas suffisantes pour aller en Cup. Je pense qu’ils en auront la possibilité s’ils sont aussi sérieux sur le premier jour mais cela va se jouer sur des détails, au goal-average, une pénalité, un carton jaune, un coup du sort… Tous les points seront importants. Cela n’a pas penché du côté de France 7 à Singapour mais cela peut être le cas à Vancouver.
World Series are back !
Les Sud-africains ont été décevants sur Singapour avec trois défaites, c’est très rare pour eux sur une étape. Mais c’est le retour des World Series ! Tout ce qu’il s’est passé depuis 2020 n’était pas la réalité et maintenant, la vraie compétition revient. Ça pique, toutes les places sont chères, cela se joue au goal-average… Le niveau est remonté mais on est à 50% du potentiel, il y a plusieurs grosses écuries du Sept qui ne sont pas encore rentrées de plein pied dans le Circuit. Les All Blacks se cherchent encore car ils leur manquent des meneurs de jeu comme ils avaient avec Scott Curry, Tim Mikkelson ou DJ Forbes. Ils vont vite les trouver d’ici la Coupe du monde et les Samoa vont revenir en force aussi avec une très belle génération. La compétition va monter en puissance dans les deux prochains mois, cela va donner des gros matchs avec des surprises et c’est là que l’on espère voir l’équipe de France performer.