L’ancien international Jérémy Aicardi revient pour nous sur le tournoi de Malaga et nous amène son expertise pour comprendre les performances des deux équipes de France. Crédit photo : Monaco Rugby Sevens.

LE BILAN DE FRANCE 7 MASCULIN

Une équipe « métissée »

Je trouve que le staff a aujourd’hui réussi à bien équilibrer l’équipe avec différents profils. Des grands pour aller au ballon, des petits créateurs de jeu, des finisseurs. Des joueurs comme Grandidier qui arrivent ont notamment l’air de faire vraiment du bien. J’ai également bien aimé l’attitude des leaders tout au long du week-end, car sur trois jours c’est long à gérer ! Que ce soit en termes de concentration et de récupération. J’ai aussi apprécié Jordan Sepho qui maintenant commence à être attendu mais s’en sort toujours malgré tout.

Les coups d’envoi : point positif et négatif

Un gros point positif sur le premier jour, ça a été les coups d’envoi. Cela ressemble notamment énormément à ce que les Barbarians avaient fait au Supersevens, en allant chercher notamment le centre du terrain. Malgré tout, pour moi, il faut aujourd’hui que les Français travaillent leur faculté à aller chercher le ballon à deux mains, plutôt que de le claquer, où le risque de le perdre au sol lors du rebond est plus élevé. Je pense qu’ils en ont la capacité, et ils l’ont déjà prouvé. Que ce soit Jonathan Laugel ou Jordan Sepho. Ça va notamment leur servir, car les équipes commencent à pister ce système. Malheureusement, les coups d’envoi, c’est ce qui leur a manqué par la suite, notamment lors de ce match face aux Anglais. Combiné à l’indiscipline puisque la France a reçu deux cartons jaunes, et on sait qu’à ce niveau-là, notamment en quart de finale, ça se paye cash. 

L’adaptation anglaise et la fébrilité française

Les Anglais ont notamment très bien pisté les couloirs extérieurs, car les Français refusaient d’aller en touche à chaque fois. J’ai même l’impression qu’ils avaient travaillé un geste technique pour laisser le ballon sur le terrain avant d’aller en touche. Mais les Anglais se sont adaptés à ça, notamment face à Joachim Trouabal qui a peut-être reçu les ballons un peu tardivement. Je pense que c’est quelqu’un qui a besoin de plus d’espace pour s’exprimer, il n’a pas forcément d’appuis forts, mais est très bon dans le débordement. Il y a également eu quelques fautes de main, William Iraguha un peu en difficulté, Alexandre Tchaptchet qui a attaqué le milieu de terrain alors que ce n’était pas spécialement le bon choix, le jeu au pied a également été parfois utilisé quand il ne le fallait pas. Mais ce sont des joueurs qui pour certains découvrent le haut-niveau, ce n’est que le troisième tournoi de la saison. Et malgré tout, je trouve qu’ils ont bien rectifié le tir par la suite, notamment face aux États-Unis. 

LE BILAN DE FRANCE 7 FÉMININ

La patience comme mot d’ordre

Pour les filles, outre le fait qu’elles aient terminé quatrièmes, le point douloureux qui va les affecter va être la blessure de Lina Guérin (ligaments croisés). Ce qui a vraiment pêché pour elles sur le tournoi, c’est le manque de patience. Ça ne déplaçait pas assez le ballon, les filles sur les extérieurs, comme Lina Guérin, à l’image de Trouabal, touchaient les ballons trop tardivement. On est sur un projet de jeu différent des garçons, elles ont tendance à jouer très vite dans le dos de la défense, à attaquer très vite les espaces, là où les garçons sont plus patients, n’hésitent même pas à faire des bascules par moment. Elles le faisaient aussi avant, aujourd’hui un peu moins, mais il faut qu’elles arrivent à être beaucoup plus patientes. C’est aussi lié à leurs problèmes de tempo en fait. Elles ont tendance à tout jouer à fond, tout le temps, à ne pas s’économiser. Mais par moment, il faut calmer un peu le jeu. Faire une bascule, une fille qui attend et qui s’arrête, naviguer en gardant le ballon, prendre plus de profondeur. D’autant que chez les Françaises, il y a peu de changements. Certaines filles ont eu peu de temps de jeu, et le 7 de départ a été très utilisé. Au final, les Françaises ont lâché beaucoup de jus et c’est encore une fois l’indiscipline qui leur a fait défaut lors du match face à l’Australie pour la troisième place. Je pense notamment à ce ballon jeté par Valentine Lothoz qui a pris un carton jaune. Et face aux Australiennes, jouer en infériorité, ça pique.

Le problème du jeu au pied

J’ai également remarqué que les Françaises loupaient beaucoup de points au pied. Et ce qui me surprend, c’est que lorsqu’elles sont dans les en-but, elles n’arrivent pas à se rapprocher des poteaux. J’ai en tête un essai de Jade Ulutule avec Camille Grassineau qui la suit, et je vois que Camille est quasiment prête à recevoir le ballon pour aller entre les poteaux et pourtant, Jade termine par marquer de son côté en se disant peut-être qu’il vaut mieux assurer 5 points. Mais il faut tenter ces coups-là ! Car on sait que le jeu au pied reste une faiblesse chez les filles. Sur ce tournoi, on s’est beaucoup reposé sur Jade en l’absence de Caroline Drouin et Shannon Izar, même si Yolaine Yengo bute aussi, mais elles étaient rarement associées. Du coup, il n’y avait pas cette suppléance que l’on peut voir chez les garçons, ce qui aurait permis de soulager un peu Jade qui avait beaucoup de responsabilités pour le coup. 

Coups d’envoi et demi-blocs

Autre point d’interpellation sur les coups d’envois, les Françaises ne travaillent pas les demi-blocs. Ce à quoi se sont intéressées certaines équipes commes les Blacks ou les Américaines. Mais pas nous. Au final, les équipes ont eu tendance à beaucoup taper sur Séraphine Okemba pour la verrouiller d’entrée et la consommer dans le premier ruck. Car elles savent qu’il vaut mieux qu’elle soit là qu’à l’opposé avec de l’espace. Malgré tout, elle a réceptionné de bons ballons.

LE COUP DE COEUR DU TOURNOI

Le rugby à 7 européen comme exemple

Le tournoi de Malaga a prouvé qu’aujourd’hui l’Europe était le continent le plus représenté dans le rugby à 7 mondial. Et les performances des équipes invitées ont été vraiment intéressantes. Que ce soit l’Allemagne et son match nul face à l’Australie, ou encore les performances des Belges et des Polonaises sur le circuit féminin. Je pense également à l’équipe de Belgique chez les garçons qui devrait monter prochainement. Mais les places aujourd’hui sont très chères, et si le niveau en Europe continue de monter, cela va être très dur de finir Champion d’Europe et de monter en World Series.