Passé par la formation française, de ses débuts à Colomiers à son expérience à 7 jusqu’à la Pro D2, Nicolas Martins revient sur sa Coupe du monde magique avec le Portugal (crédit photo : World Rugby).
Son nom résonne partout dans le monde du rugby depuis plusieurs semaines. Lui, c’est Nicolas Martins, jeune joueur de 24 ans qui vient de connaître une aventure à peine croyable avec la sélection portugaise. Le Portugal a battu les Fidji ce dimanche au Stadium de Toulouse (24-23), un exploit historique pour le pays qui a ainsi décroché sa première victoire en Coupe du monde. “Ce que l’on a fait est incroyable, révèle Nicolas Martins. C’est historique pour le rugby portugais et je ne sais pas si ça pourra arriver de nouveau à l’avenir. La fatigue est là, mais on est tous très heureux de ce qu’il s’est passé, c’était le meilleur match de ma vie ». Portés par un public transcendé, ils sont allés au bout d’eux-mêmes pour décrocher cette victoire grâce à un ultime essai de Rodrigo Marta transformé par Samuel Marques. Un stade en fusion qui n’a pas laissé indifférent notre troisième ligne. “D’habitude, on ne fait pas attention sur le terrain mais là, c’était tout simplement monstrueux, poursuit le flanker. Il y avait beaucoup de ferveur. Cela s’est vu dès le début avec les flashs dans le stade et l’ambiance qui est montée très vite. Sur chaque action, on entendait crier dans tous les sens car nous sommes deux équipes qui proposaient du jeu.“
Les Portugais avaient particulièrement coché ce match pour éviter la dernière place de la poule, eux qui avaient décroché le nul contre la Géorgie (18-18) quelques semaines auparavant comme l’explique Nicolas Martins. “On voulait être compétitifs tout au long de la compétition. Plus on avançait dans le mondial, plus on se disait que l’on n’était pas loin et qu’il y avait peut-être un coup à faire. Contre les Fidji, on voulait avant tout avoir au minimum un point de bonus pour ne pas finir derniers et terminer devant la Géorgie. Dans l’optique d’une future Coupe du monde à 24, on sait que cela peut avoir son importance. On était donc très déterminés avant cette rencontre ». Un rugby portugais qui a démontré toute sa force traduit par un “jeu sans complexe” pour reprendre les mots du joueur et qui a été salué parle par le monde du rugby depuis dimanche, en tout premier lieu par le sélectionneur fidjien Simon Raiwalui qui a rendu visite aux Loups (ndlr : “Os Lobos”, surnom de l’équipe du Portugal) après la rencontre : “On était en train de célébrer la victoire et il est arrivé pour nous féliciter car il avait vraiment apprécié ce que l’on a proposé, dévoile Nicolas. Il nous a déposé des équipements des Fidji, il y avait des maillots, des tee-shirts d’entraînement, des chemises. C’était très plaisant à vivre. De mon côté, j’ai pris le premier truc qui arrivait. C’était un maillot d’entraînement en 4XL donc ça va me servir de pyjama !”
Le 7 comme transition vers le monde professionnel
La vie de Nicolas Martins s’est accélérée en un éclair depuis trois ans. Ayant débuté le rugby à Colomiers, le troisième ligne s’est vite retrouvé face à un mur en Minimes où on lui proposait notamment de se tourner vers l’arbitrage. Il a fait le choix de basculer définitivement vers le rugby amateur en rejoignant Tournefeuille avec qui il allait découvrir la Fédérale 3 à la suite de ses années cadets et juniors, avant de poursuivre sa route à Castanet en Fédérale 1. C’est alors qu’il faisait la connaissance du Sevens. Après un premier tournoi avec l’association toulousaine de Sevens Sud Garonne, il rejoignait finalement les Seventise pour participer au Rugby Elite Sevens Tour en 2021 (ndlr : première reprise des compétitions à 7 après la crise sanitaire). Un passage important dans sa vie de rugbyman. “J’ai senti que je n’étais plus le même joueur entre le début et la fin de cette compétition, admet-il. Le 7 t’apporte une qualité technique et une vision du jeu différente. Je pense que pour n’importe quel joueur, c’est une formidable opportunité de se développer. Tu dois jouer des matchs de poule et des phases finales dans le même week-end. Si tu gagnes le tournoi, tu dois vite rebasculer sur celui de la semaine d’après. C’est hyper formateur et je conseille à tout le monde d’aller goûter à cette pratique qui est une vraie source de progrès. Si je n’avais pas fait la Coupe du monde, je pense que je serai allé jouer sur le Circuit Élite cet été avec les Seventise.” Des souvenirs encore gravés pour la jeune pépite portugaise qui se souvient notamment d’une belle victoire au Med Sevens avec ses acolytes et d’un titre sur le Happy Halloween Sevens en finale face aux 7 Fantastics.
Le rugby à 7 a donc été un élément déclencheur dans l’ascension de Nicolas Martins. Dans la foulée, il réalisait un exercice 2021-2022 remarqué avec Castanet, en parallèle de son travail chez Airbus, et s’ouvrait les portes de Soyaux-Angoulême en PRO D2. Mais ce n’est pas tout. Juste avant de démarrer en pro, Nicolas vivait aussi sa première cape avec la sélection portuguaise face à la Géorgie à l’été 2022. « J’étais convaincu dès le départ que je pouvais atteindre le niveau international, explique le natif toulousain. Je savais que mon père était portugais et j’étais aussi réaliste sur le fait que l’équipe de France était un peu loin. Il fallait juste que j’attende l’opportunité. Passer du monde amateur au monde professionnel est ce dont j’avais toujours rêvé. Mon parcours peut être une source d’inspiration pour les jeunes du monde amateur. Je suis bien la preuve qu’il ne faut rien lâcher. Il faut juste s’en donner les moyens et travailler très dur”. Nicolas Martins n’a pas tardé à montrer que son ascension était tout sauf un hasard. À Soyaux-Angoulême tout d’abord, où le joueur s’est progressivement installé en troisième ligne et a notamment réalisé une fin de saison remarquable (17 matchs, 7 titularisations, 4 essais). Puis avec la sélection portugaise qui l’a complètement intégré à l’effectif dans un objectif de qualification pour la Coupe du monde. Une bonne étoile tombée sur le haut-garonnais au meilleur des moments. “Je ne sais pas si cela va se représenter à moi dans quatre ans donc c’est sûr que je suis très content d’avoir vécu ça et de faire partie de l’histoire du rugby portugais. Surtout quand on sait la manière dont on s’est qualifiés. On ne devait même pas faire partie des qualifications, mais l’Espagne a été disqualifiée, ce qui nous y a propulsé. À partir de là, on bat Hong Kong et le Kenya avec des scores larges et on joue les États-Unis pour le dernier billet. On se retrouve à faire égalité avec eux et grâce à nos précédents scores, on se qualifie au goal-average, sans même gagner le match ! On se retrouve finalement dans cette poule très compétitive et on s’en sort pas si pas mal que ça ».
Un joueur de classe mondiale
Si la performance collective est bien évidemment à souligner, celle de Nicolas Martins n’est pas à négliger pour autant. Le troisième ligne portugais termine cette phase de poules en tant que deuxième meilleur plaqueur de la compétition (63 plaquages sur 67 tentés) juste derrière le Tongien Sione Talitui (69 plaquages). Mieux encore, il s’est illustré lors de chaque rencontre, terminant ainsi systématiquement dans l’équipe type de la journée aux côtés de références à son poste telles que Ardie Savea ou Charles Ollivon. Une reconnaissance bien appréciée par le pensionnaire de Pro D2, qui a terminé en apothéose avec un titre d’Homme du match face aux Fidji. “Je voulais montrer que je pouvais exister, s’exclame l’intéressé. Mon objectif était de terminer meilleur plaqueur de la phase de poule. Au final, je termine deuxième derrière le joueur Tongien. J’étais donc très content de me sentir impliqué et d’apporter quelque chose à l’équipe. J’étais également un leader de touche ce qui m’a vraiment satisfait. Ça m’a poussé à m’y intéresser davantage et à proposer mes idées. Globalement, je suis content de mes prestations, surtout que j’ai joué quasiment l’intégralité des matchs à part le dernier. Cela m’a fait chaud au coeur de voir que mon travail était reconnu. Tout ce qui se passe autour de moi est hyper positif et c’est vraiment plaisant. J’ai mon trophée de MVP du match des Fidji qui est sur ma table, je ne sais pas encore où je vais le mettre, mais ce qui est sûr c’est que personne ne pourra me l’enlever ! Meilleur joueur d’un match de Coupe du monde alors que j’avais face à moi des Tuisova et des Botia qui sont des joueurs installés en Top 14, cela veut dire que l’on m’a mis au même niveau que ces mecs-là et c’est juste incroyable comme récompense ».
Il est désormais temps de passer à la suite pour l’ensemble des joueurs portugais qui sont repartis chez eux les étoiles pleins les yeux. Une aventure rendue possible par un staff aux allures tricolores que Nicolas Martins n’oublie pas de saluer. “Le fait d’avoir des coachs français nous a beaucoup aidé car ils ont tous connu le haut niveau. Patrice Lagisquet notamment qui a fait une Coupe du monde avec la France. Cette vision qu’ils nous ont apportée nous a fait basculer dans un autre monde. Que ce soit en touche ou sur le plan offensif, on a pris une autre dimension depuis quatre ans. Si l’on n’avait pas eu cet apport, je ne suis pas sûr que l’on aurait eu les mêmes résultats. C’est grâce à eux si on en est là. Désormais, il va falloir reconstruire car nous perdons des joueurs importants qui arrêtent comme Mike Tadjer en première ligne ou Samuel Marques notre demi de mêlée. Il ne faut pas perdre la structure qui s’est créée et continuer à progresser en n’ayant pas peur de se dire que l’on sera en Australie dans quatre ans. Avec ce que l’on a montré, si les grandes nations du Tier 1 s’intéressent à nous et veulent nous rencontrer pour des matchs amicaux, ça sera hyper bénéfique.«
« Mon histoire avec le 7 est loin d’être terminée »
En attendant, la suite va s’écrire rapidement du côté de Soyaux-Angoulême pour Nicolas Martins qui a repris l’entraînement cette semaine avec les Angoumoisins.“Je veux rester sur cette bonne dynamique et apporter un maximum à mon club. Je ne sais pas quand mon premier match va arriver à Chanzy, mais j’ai hâte ». Une reprise qui s’effectuera avec un nouveau statut et le rêve de découvrir un jour l’échelon supérieur. “Je ne pensais déjà pas arriver en Pro D2 avant 25-26 ans. Au final, d’y avoir été propulsé plus tôt et d’avoir fait cette Coupe du monde, je ne cache pas que j’ai bien envie de goûter le niveau au-dessus ». En ce qui concerne la Coupe du monde, elle va se regarder désormais d’un œil lointain pour celui qui ne cache pas non plus son côté chauvin pour cette fin de mondial.“J’espère que la France gagnera car cela reste mon pays. Mais cela ne m’étonnerait pas que l’Irlande rejoigne aussi la finale. Ils font partie de mes deux favoris et pour avoir fait un entraînement contre les Irlandais, j’ai trouvé leur jeu magnifique”. Quand au 7, l’idée d’un retour dans le cadre d’un projet olympique désormais avec le Portugal n’est pas à exclure. “Comme une Coupe du monde, les Jeux Olympiques sont quelque chose d’unique à vivre dans sa vie. Si un jour le Portugal arrive à se qualifier et veut compter sur moi, je serai totalement partant pour faire partie de l’aventure. C’est un rêve de plus à réaliser. Ce qui est sûr, c’est que mon histoire avec le 7 est loin d’être terminée”.