En marge du Los Angeles SVNS soit quelques jours après l’annonce du nouveau format du HSBC SVNS pour la saison prochaine, Alan Gilpin, le Directeur général de World Rugby, a accepté de nous expliquer les raisons de ce changement (crédit photo : World Rugby).
Alan, en quoi était-il important de terminer cette saison à Los Angeles, future ville hôte des Jeux Olympiques en 2028 ?
Alan Gilpin : Les Jeux de Paris ont été incroyables pour le 7. Nous avions déjà eu deux olympiades, les débuts à Rio en 2016 et celles de Tokyo en 2021 qui avait été impactées par le COVID. Mais Paris a vraiment été le moment clé pour que le rugby à sept prenne vie sur la plus grande scène que nous ayons jamais vue. Tout se reconstruit petit à petit avec un changement de format en 2023 pour avoir un championnat du monde en fin de saison. Los Angeles était un excellent hôte pour cette Grande finale. Evidemment, nous nous préparons aussi pour le prochain grand moment olympique à LA en 2028. Nous savons que cet endroit sera plein à craquer avec une ambiance incroyable pendant les six jours de compétition.
En amont de cette finale, vous avez annoncé un nouveau format du HSBC SVNS, qu’est-ce qui vous a poussé à effectuer ce changement seulement deux saisons après la dernière réforme ?
Alan Gilpin : Nous avons passé beaucoup de temps après Paris à réfléchir à l’avenir du rugby à sept, dans tous ses aspects. Est-ce que ça fonctionne d’un point de vue organisationnel ? Est-ce que cela convient aux équipes ? Aux joueurs ? Est-ce que cela nous donne l’opportunité d’intégrer de nombreux pays au rugby, des pays qui ne participeraient peut-être pas au rugby à 15 ? C’est cela qui nous a conduit à un nouveau format. Mais une partie essentielle de cette réflexion était de s’assurer que nous ayons un modèle financièrement durable. L’un des défis du rugby à sept, surtout pour les équipes et les fédérations qui les financent, c’est que c’est coûteux. On fait voyager les équipes dans le monde entier, il y a beaucoup de tournois. Nous avons donc essayé de trouver une structure plus rentable et plus globale.
Le nouveau format comprend une division principale du championnat du monde de rugby à sept avec moins d’équipes (Le SVNS 1 ndlr) : huit équipes masculines et huit équipes féminines. Cela permettra de disputer les six tournois de la phase régulière sur deux jours, uniquement le samedi et le dimanche. On sait que c’est ce qui attire les fans et que c’est aussi ce que préfèrent les joueurs. Ensuite, on a le SVNS 2, la deuxième division avec six équipes masculines et six équipes féminines. Mais surtout, les quatre meilleures équipes de cette division rejoindront les huit du SVNS 1 pour trois événements de championnat du monde à la fin de chaque saison. Ainsi, à partir de l’année prochaine, le World Championship Series comptera 12 équipes masculines et 12 équipes féminines. Par exemple, les États-Unis, qui viennent de gagner leur place en SVNS 2 chez les hommes, joueront dans cette division pendant trois tournois et s’ils font partie des quatre meilleures équipes, ils auront trois autres étapes avec une chance de remporter le championnat du monde.
C’est donc un chemin essentiel. En dessous, on garde le Challenger Series (rebaptisé SVNS 3 ndlr) pour les équipes en plein développement dans leur programme de rugby à sept. Et en dessous encore, il y a les compétitions régionales. Pour la première fois dans l’histoire du rugby à sept, il sera désormais possible de commencer dans sa compétition régionale et d’atteindre le championnat du monde en une seule saison. Et cela comptera aussi pour la qualification aux prochains Jeux Olympiques. Donc même si on n’aime pas forcément changer les choses en cours de saison, on a estimé qu’il était vraiment important de donner à tous les acteurs, et surtout aux joueurs, une visibilité claire sur ce à quoi ressembleront les trois prochaines années. Cela nous mènera jusqu’à Los Angeles 2028.
Qu’attendez-vous en priorité de ce nouveau format ?
Alan Gilpin : La première chose, c’est que pour qu’un modèle économique soit viable, il ne s’agit pas forcément d’être rentable tout de suite, mais de rendre l’investissement gérable pour chaque partie prenante. World Rugby investit constamment dans le rugby à sept, et beaucoup de nos fédérations membres, les fédérations nationales, investissent elles aussi dans ces programmes. Dans certains cas, il existe un lien entre les programmes de rugby à sept et de rugby à quinze, alors que dans d’autres, ce sont des programmes de rugby à sept totalement indépendants. Mais nous voyons les résultats. Le Brésil chez les femmes, c’est impressionnant et maintenant l’Espagne qui est en finale d’un championnat du monde masculin, c’est formidable (interview réalisée le dimanche matin de la Grande finale ndlr). On voit donc que certains pays qui investissent vraiment dans le rugby à sept progressent rapidement. Et nous devons faire en sorte que cette opportunité soit accessible à davantage d’équipes. Rendre ce modèle plus abordable signifie que plus d’équipes pourront participer au HSBC Sevens Series.
« Nous sommes convaincus que c’est un meilleur modèle pour le rugby à sept »
Plusieurs voix se sont élevées contre cette réforme en parlant d’un manque de consultation de toutes les parties prenantes, que répondez-vous à ces critiques ?
Alan Gilpin : Écoutez, c’est toujours difficile de changer quelque chose en cours de saison et nous en sommes pleinement conscients. Mais ce que nous ne voulions surtout pas faire, après avoir mené une évaluation très approfondie, c’était de ne pas apporter les changements nécessaires. C’est ça la partie difficile. Et nous comprenons que beaucoup de gens auraient préféré que l’on continue comme avant, puis que l’on fasse les changements plus tard. Mais nous pensons que le bon moment pour changer, c’est maintenant. Et en réalité, il y a eu une large consultation. Tous les différents groupes ont été impliqués dans cette discussion. Bien sûr, il y aura toujours des personnes qui estimeront qu’elles auraient dû être incluses et ne l’ont pas été, c’est compréhensible aussi. Notre objectif est de mettre en place quelque chose qui fonctionne réellement. Nous sommes convaincus que c’est un meilleur modèle pour le rugby à sept. Et je pense que dès l’année prochaine, on va voir une belle progression. Tout changement est difficile et nous savions qu’il y aurait forcément des critiques mais nous croyons sincèrement que nous faisons ce qu’il faut pour le rugby à sept.
Certaines critiques ont pointé du doigt la mauvaise gestion économique de World Rugby et le manque de perspective d’investissements extérieurs dans la discipline…
Alan Gilpin : Vous savez, nous accueillons tous les investisseurs dans le rugby et plus particulièrement dans le rugby à sept. On entend parfois des commentaires selon lesquels World Rugby n’investirait pas plus que ce qu’il reçoit en financement olympique. Or, les faits sont clairs : World Rugby investit quasiment autant sur chaque saison de rugby à sept (10 millions de livres sterling par an ndlr) que ce que nous recevons en quatre ans de financement olympique (13 millions de livres sterling par cycle olympique ndlr). Donc oui, nous sommes un acteur majeur de l’investissement dans le rugby à sept. Nous y croyons vraiment comme élément clé de la croissance mondiale du rugby. Encore une fois, le changement est difficile, mais nous mettons en place des changements que nous pensons nécessaire afin de rendre le rugby à sept plus durable financièrement pour tous les acteurs concernés : les organisateurs, les équipes et World Rugby. Et si des investisseurs tiers veulent nous aider à améliorer le rugby à sept, nous sommes tout à fait ouverts à la discussion. Nous avons déjà de nombreux partenaires à travers le monde qui nous aident à investir dans le rugby à sept. À Perth, par exemple, Tourism Western Australia et le gouvernement de l’Australie-Occidentale sont des investisseurs. Ici à Los Angeles, nous avons AEG comme partenaire hôte et d’autres entités investissent également. C’est comme ça partout dans le monde. Donc, ce n’est pas seulement World Rugby qui investit dans le rugby à sept.
Quelle est la place du rugby à sept dans votre stratégie globale ?
Alan Gilpin : Je pense encore une fois que Paris 2024 nous a montré que le rugby à sept pouvait vraiment être un sport global, très regardé et soutenu. Ce n’est pas facile, année après année, mais nous reconstruisons progressivement en vue des prochains Jeux Olympiques. Cette saison, nous nous avons vu un rugby incroyable sur le terrain et nous allons avoir des finalistes exceptionnels. Le rugby à sept nous offre une empreinte mondiale plus large que le rugby à quinze. Nous allons voir des nations jouer et réussir sur le terrain en rugby à sept alors qu’elles ne pourraient pas réussir ou n’auraient pas les ressources pour réussir à quinze. Donc c’est clairement une partie essentielle de la stratégie globale du rugby et un élément majeur du parcours de performance pour de nombreux pays. Le rugby à sept est vraiment important pour nous.