À deux semaines du début des HSBC SVNS Series à Dubai, le nouvel entraîneur de France 7 Masculin, Benoît Baby, s’est confié sur son nouveau rôle après le doublé historique à l’échelon mondial et olympique.

Vous venez de disputer le tournoi d’Elche en Espagne (défaite en finale face aux Espagnols), quels ont été les enseignements de cette première sortie à la tête de France 7 ?

Benoît Baby : Des enseignements positifs parce qu’on en ressort avec pas mal de conviction et des points à améliorer sur lesquels on est en train de travailler. Après me concernant, je continue mon apprentissage de l’état d’esprit des joueurs de 7 : les fameuses musiques, les fameuses danses, les fameuses connexions où ils arrivent à très vite switcher sur de la concentration. Ce qui m’a le plus surpris, c’est leur capacité, sur la durée d’un tournoi, à garder le sourire et la bonne humeur. Parce que c’est long et c’est dur. Nous les entraîneurs, on fait des vidéos, des petits retours sur le match précédent, on prépare le suivant… Pour les joueurs, c’est plein de petites reconnexions et là-dessus, ils ont une capacité énorme à très vite basculer entre le plaisir d’être entre eux et le plaisir d’être sur le terrain à jouer au rugby. On n’est pas obligé de se taper la tête contre les murs pour se concentrer. Toutes ces choses me font découvrir une autre spécificité du management. C’est la raison pour laquelle je suis venu au rugby à sept : pour grandir et apprendre sur moi en tant qu’homme, entraîneur et manager.

Vous reprenez les rênes d’une équipe championne du monde et championne olympique en titre, en quoi est-ce un challenge pour vous ?

Benoît Baby : C’est justement ce challenge qui m’intéressait. Je suis très fier que la France ait gagné les Jeux Olympiques mais ce n’était pas mon projet, c’était celui de Jérôme (Daret ndlr). Je repars sur un autre projet à long terme dont l’objectif est de construire une équipe, de développer les joueurs et de les faire se connecter entre eux pour qu’ils jouent de la meilleure des façons possible. On ne part pas de zéro, il y a un héritage qui est mis en place et une base de travail sur laquelle je viens, petit à petit, faire des modifications, apporter ma patte. Il y a des choses du quinze qui peuvent fonctionner sur le sept, d’autres qui vont être un apprentissage pour le quinze sur le plan individuel et collectif. L’objectif est de maîtriser ce qui a fonctionné tout en continuant de s’améliorer. Ce qui a gagné en 2024 ne gagnera pas en 2028. À nous de faire évoluer le système et le projet pour continuer de gagner.

Jérôme Daret est désormais « Manager Général du rugby à sept masculin », comment collaborez-vous pour construire cet héritage et les performances de France 7 ?

Benoît Baby : À terme, je vais avoir trois rôles : entraîneur, sélectionneur et manager. Pour le moment, je me focalise sur le terrain. Jérôme prend encore le rôle de sélectionneur et de manager. Petit à petit, il va me déléguer la casquette de sélectionneur pour que je puisse choisir les joueurs avec lesquels je vais m’entraîner et jouer. Quand il estimera que je suis apte à prendre plus de responsabilités, on va me laisser aussi le rôle de manager. Ça peut se faire dans deux mois comme à la fin de l’année. L’idée n’est pas de me jeter le projet et de voir si je me casse la gueule ou si j’avance. L’objectif pour nous, c’est de pérenniser le projet France 7, de continuer à produire un rugby qui va faire que l’équipe de France gagne et est attractive. Il le fait très bien, avec intelligence, et c’est aussi une facilité pour moi d’avoir cet apprentissage par étape. C’est un mentor très intéressant.

Jérôme Daret va-t-il vous accompagner sur les étapes du HSBC SVNS Series ?

Benoît Baby : Il sera avec nous à Dubai pour observer, me dire ce qui a été positif et comment m’améliorer. Il va également amener sa stature parce que c’est aujourd’hui encore important qu’il soit là. Pour les nouveaux qui arrivent, il doit leur transmettre ce qui a été mis en place pendant les huit ans où il était présent avec France 7. Mais petit à petit, il faudra qu’il laisse la place, qu’il se montre moins, pour que je m’impose à 200 %.

Plusieurs Champions olympiques continuent l’aventure, vont-ils avoir un rôle particulier à jouer dans le leadership de France 7 ?

Benoît Baby : Bien sûr, ils jouent un rôle de tuteur, de passeur de relais. Chacun le fait à sa façon car chacun est complètement différent. Il y en a qui ont beaucoup de prestance sur le terrain, d’autres qui sont davantage dans la communication voir la psychologie. C’est important que les « Anciens » forment ces jeunes pour la suite parce que dans quatre ans, ils auront un certain âge et auront besoin d’autres leaders pour pouvoir gagner. Ça les amènera peut être à se focaliser sur leur jeu, à être performants plutôt que de chercher à être des meneurs et perdre de l’énergie. C’est intéressant cette transmission qui se met en place.

Depuis les Jeux Olympiques à Paris, sentez-vous une plus grosse attention des joueurs de 15 sur l’équipe de France à 7 ?

Benoît Baby : Vu ce qu’a fait Antoine Dupont, c’est sûr que ça donne envie à d’autres joueurs. Après, on est très loin des prochains Jeux Olympiques et je ne pense pas que les clubs se focalisent là-dessus. Ils ont également leurs objectifs en TOP 14. Notre objectif est de travailler avec les clubs et toutes les équipes de France. La priorité, c’est de développer les joueurs et là-dessus, il faut qu’on soit moteur. Parfois quand ils sortent des moins de 20 ans, certains passent un ou deux ans sans jouer des matchs de haut-niveau en club ou en équipe de France. France 7 peut être un tremplin intéressant pour maintenir l’exigence du haut-niveau. Cela peut aussi leur permettre de travailler, individuellement et collectivement, sur des situations qu’ils maitrisent peut être moins pour mieux revenir après dans leurs clubs. On travaille tous ensemble. C’est l’échange cohérent et l’unité vers laquelle on veut aller pour faire performer les jeunes qui feront gagner l’équipe de France.

Comment sentez-vous le groupe avant le Dubai Sevens ?

Benoît Baby : On y va avec l’ambition de se donner les moyens d’être présents sur tous les matchs. Après, vous savez comme moi qu’à sept, on peut mettre 21 points en l’espace de deux minutes comme en prendre 21 en deux minutes aussi. Il faudra qu’on soit prêt à être dur dans les têtes pour, à certains moments, faire ce qu’il faut pour gagner les matchs. Mais ça va être intéressant pour la construction des jeunes là-dessus. Le haut-niveau, c’est des détails, de l’exigence psychologique et c’est celui qui fera craquer l’autre en premier. Donc à nous d’être cohérent et précis sur les mots qu’on va employer pour amener les joueurs à se positionner en tant que patrons du terrain. Après, ça reste des matchs de rugby. Toutes les nations vont se reconstruire pour arriver à Dubaï avec la même énergie et la même volonté que nous. Celui qui sera le mieux préparé, surtout psychologiquement, gagnera les rencontres. Il y aura peut-être des équipes dominantes mais ce n’est pas grave. L’objectif, c’est de nous construire pour aller aux Jeux Olympiques et les gagner.