Jeune retraité de France 7, Samuel Alerte a troqué le ballon pour la caméra. Il nous raconte son changement de vie (crédit photo : World Rugby ).

Trouver sa voie après avoir été international n’est jamais chose aisée pour un sportif surtout quand la fin de carrière n’est pas celle que l’on avait prévue. Samuel Alerte a vécu ce passage difficile après quatre saisons passées sous les couleurs de France 7. Opéré du tendon d’Achille juste avant la période du COVID, il a pris de plein fouet les restrictions dû à la pandémie, ce qui a accéléré sa fin de carrière. « Nous n’avions pas accès au CNR de Marcoussis à cause de la bulle sanitaire, j’ai dû faire les soins de mon côté et ça a été très compliqué. Depuis, je n’ai jamais réussi à recourir normalement. J’ai fait une saison blanche avec France 7 puis signé à Suresnes mais j’ai dû arrêter au bout de cinq mois. Finalement, j’ai décidé de tout stopper ».

Sam revient de loin car « la chute a été grande » mais il peut savourer désormais un nouveau départ. Après un premier pied à Canal + en tant que commentateur sur les matchs des World Rugby Sevens Series, c’est finalement en tant que Journaliste Reporter d’Images (JRI) qu’il a décidé de se former. « C’est un métier qui m’a toujours passionné depuis petit, par le rythme de vie et la manière de participer aussi à la société, explique-t-il. Avec le rugby, je suis un peu parti dans autre chose et c’était compliqué de faire les deux. J’ai donc fait une autre formation en parallèle mais quand est venu le moment de la reconversion, cela ne me faisait pas rêver. Je suis quelqu’un qui a toujours fonctionné par passion et je me suis dit qu’il fallait que je me réoriente. Comme je commentais déjà pour Canal +, j’ai été en contact avec pas mal de journalistes dont Gaspard Augendre avec qui je m’entends très bien. Je faisais de la photo et on a regardé plusieurs métiers dont celui de JRI. Je me suis donc rapidement retrouvé à faire cette formation à l’Institut national de l’audiovisuel (INA) et dès les premiers jours, cela m’a passionné. »

« Je me suis rapidement senti à ma place »

Son aventure avec le rugby était donc loin d’être terminée ! Formé à l’utilisation de la caméra et à l’écriture de reportages, Samuel Alerte a ensuite intégré pleinement l’équipe de rédaction de Canal + à travers un stage d’un mois. Il a ensuite poursuivi en tant que pigiste, notamment pour le France Sevens (12 au 14 mai). Fort de son expérience avec France 7, le novice dans l’exercice se voyait alors confier la réalisation d’un reportage « Inside » au plus près des équipes de France. Une opportunité en or ! « C’était un luxe ! », s’exclame-t-il. « J’ai eu le droit à 18 minutes de reportage, alors que je suis de base formé sur du 1mn30″.

Malgré l’appréhension évidente de retourner dans ce milieu en tant que média, Samuel a finalement été particulièrement surpris de l’accueil reçu, ce qui lui a grandement facilité la tâche. « J’appréhendais un peu avant cet inside par rapport à la manière dont cela s’était fini avec France 7. (ndlr : suite à sa saison blanche avec les Bleus, le pilier n’avait pas été conservé). Mais il y avait aussi un côté excitation où je sentais que ça allait bien se passer. Au final, quand je suis arrivé, on était tous contents de se revoir que ce soit joueurs ou staff, et ils m’ont ouvert énormément de portes. Je me suis ainsi rapidement senti à ma place. Je pensais que ça allait me faire mal de voir les mecs jouer et de me dire que, malgré mon âge (ndlr : 31 ans), je ne pouvais plus être avec eux, mais finalement cela n’a pas été le cas. Je suis donc très content, car cela veut dire que j’ai basculé. »  Une bascule nécessaire mais pas toujours évidente dans la vie d’un rugbyman en reconversion, de retour en plein coeur de son ancienne activité. Même si toutes les blessures n’ont pas été guéries : « Le processus est plus long, mais j’ai l’impression que la boucle est bouclée sur la partie sportive ».

À l’occasion de ce reportage intitulé « 7 à la maison », Samuel Alerte a ainsi pu se retrouver au plus proche du terrain pour suivre les deux équipes de France 7 (masculine et féminine) sur la compétition. Un rythme endiablé pendant quasiment une semaine qui l’a confronté de plein fouet à l’exercice du tournage en solo : « C’était intense. Je suis sorti complètement rincé de ma semaine ! », poursuit-il en riant. « Je suivais les deux équipes, mais entre les matchs, il fallait aussi que j’envoie des séquences de 30 secondes des avants-matchs pour l’antenne. Faire tout ça en solo, c’était bien fatiguant. Je commençais en plus avec les filles qui avaient la bonne idée de faire un réveil musculaire à 7h30 et je terminais avec les garçons qui pouvaient faire un bilan médical jusqu’à 23h. Le temps de rentrer, de tout mettre sur l’ordinateur, de me doucher et de manger, je finissais vers 1h du matin et j’enchaînais à 7h tous les jours. Je ne sais pas ce que j’ai trouvé le plus dur : faire le tournoi à l’époque ou le vivre en tant que JRI« .

« Je ne sais pas ce que j’ai trouvé le plus dur : faire le tournoi ou le vivre en tant que JRI « 

Un rythme éprouvant mais qui l’a tout de même amené à vivre une expérience formidable au sein des groupes de France à 7. L’occasion également pour lui de porter un regard neuf et différent sur son ancienne équipe : « De l’extérieur, on ne se rend pas compte à quel point ce sport est dur. Même si les gars passent souvent leur temps à rigoler, alors que je sortais des matchs dans un état désastreux », exprime-t-il surpris. « Mais l’état d’esprit du groupe est comme ça, l’ambiance est toujours présente et il se dégage quelque chose de très fort dans cette équipe. L’équipe de France est aujourd’hui constante dans le contenu, ce qui n’était pas le cas avant. On faisait des trucs très bons, comme des choses moins bonnes. Désormais, ils parviennent à enchaîner les prestations. Cela a notamment été le cas à Toulouse où ils sont sortis de la poule de la mort (ndlr : Afrique du Sud, Fidji, États-Unis), pour battre ensuite la Grande-Bretagne. Contre les Blacks Sevens, cela se joue malheureusement à une action. Cette équipe de France a désormais pris le “lead” et lorsque les joueurs mettent tout en place, ils peuvent battre n’importe qui. Offensivement, on a des armes tranchantes et n’importe quel joueur est capable de faire la différence. Que ce soit Aaron Grandidier Nkanang, Stephen Parez ou encore William Iraguha. Défensivement, on a des joueurs qui font mal comme Paulin Riva qui plaque à tour de bras ou Jonathan Laugel qui contre-ruck à tous les matchs. Il reste encore une marche de progression et je pense que cela va arriver pile au moment des Jeux olympiques » conclut-il en souriant. 

Ce tournage lui a également permis de se rapprocher du 7 féminin et d’en découvrir ces spécificités, pour connaître encore mieux l’évolution des Bleues. « Chez les filles, on a pas mal de jeunes qui poussent et qui sont très intéressantes comme Chloé Jacquet ou Lili Dezou. D’autres sont là depuis longtemps comme Joanna Grisez et Caroline Drouin et sont vraiment les taulières de l’équipe. Mais ce groupe a souffert des blessures, les joueuses expérimentées n’ont pas été souvent là et les jeunes joueuses greffées à l’équipe ont fait leur tournoi mais elles manquaient un peu de soutien. Je trouve aussi qu’elles se sont rapidement fatiguées car c’est dur d’enchaîner quand on arrive sur les World Series. Mais elles démontrent tellement d’envie que c’est compliqué pour les équipes adverses de les dominer. Ce qui est marquant aussi, c’est leur force de caractère. Elles perdent leur premier match contre l’Irlande, et c’est compliqué pour elles, mais elles parviennent ensuite à battre l’Australie et à finir quatrièmes au final. Cette force de caractère est une vraie plus-value dans ce groupe. »

« La culture de la gagne s’installe petit à petit »

Pendant la semaine de tournage, Samuel a pu se rapprocher des entraîneurs de France 7 qui n’ont pas hésité à échanger librement avec lui. « C’était assez rigolo de pouvoir discuter avec Jérôme sur sa manière de voir l’équipe sans être dedans. Ce qu’il a apporté avec la maîtrise du tempo et la danse, notamment sur les échauffements est original. Cela permet à tout le monde de se lâcher et de ne plus avoir honte, décrit-il. Pour David, il insiste beaucoup sur l’équipe. Je pense à ce match contre les Blacks Ferns en demi-finales où il dit aux filles que l’important c’est la finale, qu’elles peuvent y accéder peu importe le maillot présent en face et que le plus important c’est elles et leur rugby. On va rentrer dans une année olympique, il faut donc être capable de battre tout le monde ».

À l’aube de cette fameuse année de Paris 2024, Samuel Alerte devrait être à nouveau au coeur du suivi des équipes de France en tant que commentateur pour Canal + sur le tout nouveau HSBC SVNS. Il se veut plutôt confiant à l’approche de cette saison décisive : « La culture de la gagne s’installe petit à petit car les deux équipes de France ont réussi à battre des nations majeures sur leurs dernières sorties. Il leur manque désormais un tournoi remporté sur le circuit mondial ce qui permettra d’arriver en confiance sur les Jeux Olympiques. » Ce suivi s’effectuera peut-être à nouveau derrière la caméra aussi même si Samuel souhaite également de ne pas rester spécifiquement dans le monde du sport. L’ancien joueur a bien d’autres projets en tête qu’il cherchera à concrétiser, toujours le sourire vissé aux coins des lèvres.