Un mois et demi après la finale olympique de Tokyo 2020 et la médaille d’argent décrochée pour son dernier match avec France 7, Fanny Horta a été reçue ce lundi avec ses coéquipières et son staff par le Président de la République, Emmanuel Macron. L’ex-capitaine tricolore se confie quelques jours après son passage à l’Elysée et évoque notamment son projet de reconversion qui devrait lui permettre de rester autour des terrains de Sevens. (Crédit photo : World Rugby)

Fanny, tu as été reçue à l’Elysée ce lundi avec tes coéquipières et le staff de France 7 suite à votre médaille olympique, tu nous racontes ce moment unique ?

Fanny Horta : C’était plutôt sympa ! Le lieu en lui-même est assez historique et vraiment marquant ! C’était la première fois pour la quasi-totalité des filles, donc c’était forcément impressionnant. Au-delà de ça, nous étions très contentes de toutes nous retrouver depuis cet été. Nous avons également revu les athlètes que nous avons croisés aux Jeux, ainsi que les athlètes paralympiques que nous avons seulement pu regarder à la télévision pour le coup. 

Quels ont été les mots du président de la République et qu’est-ce que cela représente pour vous ?

FH :  Malheureusement, nous n’avons pas eu le temps d’échanger énormément avec lui pour la simple et bonne raison qu’il y avait beaucoup de monde et qu’il était très sollicité pour des photos. Nous n’avons donc pas voulu l’importuner plus que ça, et on a simplement sauté sur l’occasion lorsqu’il a eu un moment de libre pour monter sur l’estrade et prendre une photo avec lui. Car peu importe le parti pris, c’est tout de même notre président, il y a un aspect respectueux à avoir. Mais de notre côté, on était déjà très impressionnés rien qu’en entrant dans l’Élysée ! C’est un lieu qui est fort, rempli d’histoire et surtout très beau !

On est entre nous… Selfie ou pas avec Emmanuel Macron ?

FH : Non pas vraiment…On a préféré prendre une photo collective justement pour éviter de toutes passer individuellement avec lui et de le déranger trop longtemps. Même si Shannon Izar s’est cachée, mais ça c’est normal.

Plus sérieusement, tu viens de basculer dans ton après-carrière de rugbywoman, peux-tu nous expliquer ton projet de reconversion ?

FH : Je vais démarrer un EMCP (Executive Master Coach et Performance) à Quiberon en Bretagne. C’est vraiment un travail global pour accompagner l’athlète dans son développement soit tout ce qui va avoir un impact sur sa performance : l’entente au sein d’un groupe, la communication entre les différents acteurs… C’est un travail qui s’occupe de toute la sphère de l’athlète pour le mettre dans un contexte, un cadre, une atmosphère qui va l’aider à améliorer ses performances et s’épanouir. C’est une formation sur un an avec des sessions de quatre jours par mois en présentiel, ce qui va me permettre, sur le reste du temps, d’appliquer ce que je vais apprendre auprès d’un collectif ou d’un athlète.

Cela se rapproche d’un rôle de préparatrice mentale ?

FH : Oui, il y aura un module sur la préparation mentale car elle fait partie des différents modes de communication mais ce n’est pas l’outil principal. Ce sera plus la conception et l’organisation des groupes de parole. Comment animer des discussions, des réunions qui vont tourner autour de l’athlète de manière à ce que tous les acteurs puissent se coordonner, s’entendre, échanger leurs points de vue même s’ils sont différents ? Il s’agit aussi de gérer les situations de conflit. Comme en société, c’est tout à fait normal d’être en désaccord parfois avec les gens mais on peut travailler sur la manière de les appréhender.

C’est un rôle qui semble se rapprocher de celui que tu avais en tant que capitaine de France 7 ?

FH : C’est vrai que c’est quelque chose auquel j’ai vraiment été sensibilisée quand j’étais joueuse. Je pense que David (Courteix ndlr), le staff, les joueuses, m’ont permis d’avoir envie de développer cette compétence, de la mettre à profit et de pouvoir vraiment travailler dessus grâce à ce Master. Je suis consciente que j’ai vécu pas mal de choses grâce au rugby et il faut que je l’utilise parce que cela a été tellement riche pendant ma carrière. Il y a eu des échecs, nombreux j’avoue (elle rigole) et ensuite, il y a eu ce passage où notre travail a commencé à payer. C’est quelque chose de super gratifiant mais qui doit aussi être contrôlé. Il faut évidemment laisser la place à l’inattendu mais les choses que l’on peut réussir à maîtriser, sur lesquels ont peut discuter et réfléchir, cela vaut le coup de les travailler car c’est ce qui nous a clairement fait progresser depuis plusieurs années.

Une partie du staff tricolore à la cérémonie des médailles de Tokyo 2020. De gauche à droite, Lionel Labadie (kinésithérapeute), David Courteix (entraîneur), Philippe Bordes (médecin) et Julien Candelon (manager opérationnel). (Crédit photo : World Rugby)

Tu parlais d’accompagner un groupe ou un athlète pendant ton année de formation, est-ce que tu as déjà des pistes ?

FH : Pour l’instant, rien n’est acté mais c’est vrai que je discute pas mal avec le staff de France 7 Féminin et Christophe Reigt (le manager des équipes de France à 7 ndlr). J’aimerais beaucoup travailler avec le groupe pour pouvoir continuer à développer ce projet dont David Courteix est à l’origine et qu’il tient à bras le corps. C’est vraiment quelque chose qui m’intéresse notamment dans le cadre de mes études. Après, là où je vois le plus mon épanouissement et ma volonté de travailler, c’est avec les jeunes. Je pense que l’on peut très jeune se mettre dans une dynamique de performance tout en étant accompagné dans ses projets personnels, socio-professionnels, scolaires… Il y a beaucoup de choses que l’on peut réaliser pour vraiment permettre à l’athlète de s’épanouir et de vivre sa vie de sportif au même titre que celui d’étudiant.

C’est une autre approche du coaching notamment dans le sport collectif…

FH : Oui, tout le monde n’est pas capable de se faire entendre dire qu’il pourrait modifier certaines approches, certains fonctionnements… Cela peut-être pris pour quelque chose de personnel ou de dégradant car cela remet en question sa façon d’entraîner, de jouer, d’être, et c’est là toute la complexité de cette mission : arriver à faire évoluer la personne sans lui donner l’impression qu’on la manipule. C’est un accompagnement et cela marche quand la personne fait elle-même ses choix, réfléchit elle-même à son projet et cela se fait aussi au pluriel comme nous on l’a fait. C’est de les accompagner sans leur donner le chemin à suivre, tu peux te planter et c’est comme ça aussi que tu apprends.

Comme tu l’as précisé, c’est une philosophie que partage David Courteix, c’est lui qui t’a donné l’idée de te lancer dans cette voie ?

FH : On discutait de l’avenir et je lui ai dit que c’était vraiment la façon dont on avait travaillé avec le groupe et dont il avait amené certaines démarches intellectuelles qui nous avait poussé à réfléchir, trouver des solutions et communiquer ensemble. Cela m’avait beaucoup intéressé parce que j’y avais trouvé beaucoup de choses à développer, plein d’idées pour ouvrir la sphère du sportif et que je n’avais pas spécialement. On en avait parlé franchement et il m’avait répondu à ce moment-là qu’il était prêt à m’accompagner.

L’aventure avec France 7 va peut-être continuer finalement…

FH : Ouais (elle rigole). Cela peut être un beau challenge même si cela ne sera pas forcément simple au début. Cela va me demander des efforts et aussi une adaptabilité de mes anciennes coéquipières parce que c’est particulier pour moi ce changement de statut et cela peut l’être aussi pour elles. Après, si cela aboutit, je n’envisage pas d’être présente continuellement. Je vais avoir mon travail avec le Master et rien ne m’empêche de collaborer avec d’autres groupes à côté mais je trouve que le projet que l’on mène depuis plusieurs années est tellement intéressant que c’est une richesse de pouvoir continuer à travailler dessus. En plus de ça, ce sera sans me soucier de mes entraînements et de tout ce que j’avais à faire en tant que sportive.

La joie de Fanny Horta et ses coéquipières de France 7 après la qualification en finale olympique à Tokyo. (Crédit photo : World Rugby)

Un beau projet dans la continuité de ta carrière de joueuse. Et ce n’est pas tout car tu as aussi rejoint l’équipe rugby de Canal+…

FH : Oui, j’ai démarré à La Rochelle lors de la dernière étape du Supersevens. C’était assez particulier et cela demande beaucoup d’énergie ! Jouer les matchs à sept c’est une chose mais les regarder et être dans l’instant… J’ai presque ressenti la même fatigue sans les courbatures, j’étais cassée ! La fatigue psychologique était-là, même au niveau de la voix sur la fin, je sentais qu’il ne fallait pas que j’en fasse trop. En plus, j’ai tendance à regarder les matchs comme une joueuse sans forcément commenter tout ce qu’il se passe donc cela me demande pas mal d’efforts. C’est super enrichissant et cela va m’aider à approfondir la manière dont je vais retranscrire le rugby. Parfois, on voit ou on ressent des choses et on a des difficultés à le verbaliser. Il y a des choses que le joueur va faire, cela va paraître logique comme ça, mais expliquer pourquoi il l’a fait ou qu’est-ce qui a fait que cette action s’est terminée ainsi, cela demande vraiment de l’analyse. On apprend à le faire quand on est joueuse mais là c’est un exercice supplémentaire et c’est super intéressant.

On te retrouvera donc au commentaire des étapes du World Rugby Sevens Series diffusées sur la chaîne cryptée ?

FH : Oui, je suis prévu sur les prochains tournois à l’étranger. Je m’initierai donc au commentaire « cabine » depuis Paris avec Nicolas Dupin de Beyssat et deux autres commentateurs, ils m’excuseront car je ne connais pas encore tous les prénoms. Vu les horaires, j’espère que le café sera assez fort (elle rigole). C’est chouette mais j’ai conscience que j’ai pas mal de boulot à faire. Cela ne doit pas être forcément super agréable pour une personne qui écoute le rugby d’avoir une commentatrice qui débute avec des mots à répétitions, des mimiques… Mais bon, il y a un début à tout, pour tout le monde. En tout cas, l’équipe est vraiment sympa, j’ai pu rester avec eux à la fin du tournoi pour discuter. Je suis preneuse de toutes critiques qui m’aident à m’améliorer et ils ont été réactifs dès les premiers matchs. « Il faut que tu augmentes un peu ton timbre de voix et que tu amènes un peu plus de dynamisme ». Pas de soucis, j’ai essayé sur les matchs d’après et j’ai notamment rapproché un peu plus le micro (rires). On verra comment j’évolue, m’améliore mais normalement cela devrait aller de match en match. Je l’espère !

Fanny Horta lors de ses premiers pas de consultante avec Canal+ au Supersevens de La Rochelle.