Le sélectionneur de France 7 fait le point suite à la période délicate qu’a traversée France 7 et la nouvelle saison qui démarre dès ce week-end avec le tournoi d’Elche en Espagne.

Jérome, où en est France 7 aujourd’hui après la désillusion de Monaco et ces derniers mois de galère où vous n’avez pas pu matcher ?

Jérôme Daret : On n’a pas trop perdu malgré le fait que ça a été compliqué avec le COVID. Cela nous a permis de nous développer, de travailler convenablement avec les clubs et de mettre en place des stratégies de collaboration qui nous permettent d’avoir des joueurs d’un calibre intéressant pour le rugby à 7 aujourd’hui. Nous avons pu évaluer pas mal de joueurs sur la période pour tenter d’anticiper Paris 2024. Pour en revenir à la non-qualification, elle a été soldée avec les joueurs, et elle est en train de l’être de manière globale. On connaît les problématiques que l’on a rencontrées. On fait malgré tout un très bon tournoi de Monaco, mais ce qui est paradoxal, c’est que l’on perd un peu le fil de notre performance sur 4 minutes face à une équipe très aguerrie (l’Irlande) qui est en pleine réussite face à nous à ce moment-là de la compétition. C’est le 7, c’est un jeu extrême et il nous a manqué 4 petites minutes pour aller décrocher cette qualification olympique. 

On a désormais l’impression que vous avez vraiment basculé sur la suite…

JD : On vit ça tout le temps dans le 7. On gagne, on perd, c’est notre quotidien. Il faut se remettre en question tout le temps, c’est une guerre psychologique qu’il faut vaincre à chaque fois. On travaille d’ailleurs énormément sur ces aspects-là : l’intelligence émotionnelle, le système de réponse aux actions critiques. C’est quelque chose d’ancré chez les joueurs expérimentés et on essaye de l’inculquer très vite aux nouveaux joueurs. Pour en revenir au TQO et ce match contre l’Irlande, ça va être un fil rouge jusqu’à 2024. C’est un match référence qui doit nous permettre de basculer sur quelque chose de plus fort. On sait ce sur quoi l’on a péché. Les joueurs, le staff, le système… On a encore beaucoup de travail pour aller chercher la médaille d’or, même si l’équipe de France a bien progressé ces dernières années et est rentrée dans le Top 6 mondial. Désormais, il faut regarder comment aller obtenir une grande performance. On en a besoin pour faire exister le rugby à 7 dans le paysage du rugby français. 

Vous parlez de grande performance, quels sont aujourd’hui les chantiers de France 7 pour l’atteindre?

JD : On a un standard de joueurs aguerris qui jouent en Top 14 et sur lesquels on peut s’appuyer. Mais à côté, nous avons besoin d’évoluer avec de nouveaux joueurs et leur faire découvrir ce qu’est le très haut-niveau pour qu’ils existent dans cette discipline. Pour engranger de l’expérience, il faut jouer donc la priorité pour nous est de consolider le groupe mais surtout de le faire matcher. 

« Le chemin se fait, il y a des interactions avec le XV de France mais aussi les clubs. « 

Parmi ces nouveaux joueurs appelés, on en retrouve quelques-uns ayant évolué cet été sur le Supersevens, pouvez-vous nous en parler ?

JD : Le Supersevens nous aide énormément car les joueurs s’imprègnent énormément de la culture 7. Je trouve super que cela existe car il permet aux joueurs d’explorer et de vivre pleinement une compétition de rugby à 7. Et pour nous, quand on récupère des Nelson Épée, Killian Tixeront ou Alexandre Tchaptchet, qui sont des joueurs déjà identifiés sur les -20 ans, ils ont connu cette expérience à 7, donc ils arrivent déjà avec un bagage plutôt sympa. Le 7 est un accélérateur de particules, cela développe énormément le potentiel des joueurs de rugby et on commence aujourd’hui à tendre vers ce que font les nations du sud depuis très très longtemps. C’est-à-dire développer des joueurs extraterrestres par le biais du 7.

Sentez-vous aujourd’hui qu’il y a ce lien 7-XV qui se met progressivement en place ?

JD : Oui, on a déjà collaboré avec le XV de France pendant la période COVID. Le chemin se fait, il y a des interactions, que ça soit avec le XV de France mais aussi les clubs. On est allés s’entraîner dans ces clubs et les entraîneurs sont aussi acteurs de ce double-projet. Quatre joueurs vont être conventionnés 7-XV sur la saison à venir donc c’est une belle réussite. Nous avons par exemple Rayne Barka qui a passé deux mois avec nous et qui va jouer (interview réalisée en amont) avec Pau contre le Stade Toulousain. Ces interactions-là sont donc riches aujourd’hui, même si l’on a encore besoin de les développer. 

Comment sentez-vous ce groupe aujourd’hui et notamment le lien qui se crée entre les anciens et les nouveaux venus ?

JD : Il y a du gros potentiel. Nous avons des joueurs qui ont besoin d’apprendre et des joueurs cadres qui sont là pour transmettre leur vécu et leur expérience. Ce qui est sûr, c’est que ces jeunes joueurs veulent faire en sorte d’exister dans ce championnat qui est super excitant, passionnant et exigeant. Et nous bossons bien pour ça à l’image d’hier (jeudi 7 octobre) où l’on a fait venir 12 joueurs de clubs au alentours. Notamment des joueurs détectés lors du Supersevens ce qui nous a permis d’avoir un standard de performance sur cet entraînement collaboratif extraordinaire. 

Tournoi d’Elche à venir (16-17 octobre) avec notamment l’Irlande et l’Allemagne qui a étonné à Edmonton, qu’attendez-vous de cette compétition ?

JD : Pour nous, l’Allemagne n’est pas une surprise. C’est une équipe très professionnelle, à l’image de l’Espagne aussi. Elche va être en tout cas super en termes de préparation pour nous. Sachant qu’il y aura deux phases : un tournoi et derrière une période d’entraînements mêlés qui vont nous permettre de peaufiner le jeu en fonction du diagnostic que l’on aura effectué sur la compétition. 

« L’équipe de France a besoin de gagner un titre ! »

Et ensuite, World Series…

JD : Supersevens tout d’abord où l’on va réinjecter quelques joueurs et ensuite oui, reprise des World Series sur lesquels on aura à coeur de performer dès le début du championnat. Ce qui nous permettrait d’entreprendre ce gain de la “guerre psychologique” à distance vis-à-vis des autres équipes. On veut montrer aux autres nations que l’on a évolué dans notre jeu, et que les joueurs qui arrivent sont au niveau voire même potentiellement supérieurs à ce que l’on avait avant. On s’appuiera également sur nos joueurs cadres, car l’on veut être très stratégique jusqu’à la Coupe du monde.

La Coupe du monde demeure aujourd’hui le principal objectif ?

JD : Je le dis souvent, il nous faut des signes forts. Il nous faut donc réussir cette Coupe du monde, avoir l’ambition de la gagner pour lancer la locomotive en vue de Paris 2024. C’est très important. Chaque compétition nous donne l’opportunité d’envoyer un signal. Il ne faut donc pas hésiter à tout gagner et vouloir performer à chaque instant. Il faut que l’on soit très ambitieux. 

Pour en revenir au rugby à 7 en France, avez-vous l’impression que les regards changent envers cette discipline ?

JD : On en parle beaucoup effectivement. Ce qui a été déterminant pour nous, c’est cette finale que nous avons fait à Hong Kong en 2019. On a envoyé un signal fort et nous sommes même passés au journal de TF1, ce n’est pas rien ! Aujourd’hui, il ne se passe pas un match de Top 14 ou Pro D2 sans qu’il n’y ait une allusion au rugby à 7. À l’image de Marvin O’Connor que l’on vient de lâcher avec Clermont, dernièrement ils ont beaucoup parlé de son parcours chez nous. C’était aussi le cas avec Barraque et Veredamu. C’est désormais une discipline olympique, planétaire, 120 nations s’affrontent à 7. Et le fait qu’il soit au Jeux Olympiques, on sait que les gens regarderont. 

Il manque désormais juste un signal fort pour France 7…

JD : L’équipe de France a besoin de gagner ! Elle a fait beaucoup de finales, mais il lui faut un titre maintenant ! Pour cela, il faut que l’on aille chercher encore plus de ressources, de moyens, de stratégie et d’investissement. Que ça soit à notre échelle ou à celle du système du rugby français. Mais ça viendra. Dans tous les cas, il faudra gagner pour convaincre. Les choses avancent très bien aujourd’hui, il faut continuer de souffler sur les braises et si on performe, cela nous permettra d’attirer de nouveaux joueurs pour qu’ils s’éclatent avec nous ou dans les autres équipes de France.