En marge de leur carrière de joueuse avec France 7 et de leurs métiers, Chloé Pelle et Doriane Constanty ont également démarré une formation d’arbitrage en décembre dernier. Elles nous racontent leurs premières expériences au sifflet (crédits photo : World Rugby / Antoine Saillant).

Vous êtes professionnelles à sept, Doriane vous travaillez dans la police, Chloé vous êtes analyste cyber-sécurité à la Société Générale, qu’est-ce qui vous a poussé à démarrer aussi dans l’arbitrage ?

Doriane Constanty : On n’avait pas beaucoup de temps libres donc il fallait les combler (elle rigole). Cela faisait un petit moment que cela me trottait dans la tête. Quand je regardais les matchs, c’était un domaine qui m’attirait. J’ai commencé à me renseigner, à me focaliser sur les règles et j’ai demandé à David (Courteix, l’entraîneur de France 7 ndlr) si c’était possible d’arbitrer en tant que double projet. Ils ont accepté, je me suis inscrite à la formation et tout s’est lancé.

Chloé Pelle : Pour moi, c’est parti d’une discussion à la journée des salariés de la FFR avec l’arbitre Salem Attalah. Je me questionne souvent sur des règles un peu bizarres car j’aime bien connaître leurs spécificités et je lui avait déjà posé pas mal de questions sur le sujet. Ce jour-là, il m’a dit : « tu ne voudrais pas être arbitre un jour ? ». C’est vrai que cela pouvait être intéressant. C’était en novembre 2021 et un mois après, je me retrouvais embarquée avec Doriane dans cette formation.

Comment se déroule cette formation ?

DC : C’est une formation accélérée car on commence directement au niveau 3 (le cursus de formation des arbitres compte quatre niveaux ndlr). La première session était en présentielle et désormais c’est tout en visio avec des cours disponibles sur une plateforme. Cela représente à peu près une heure de cours par semaine.

CP : En fait, on s’arrange avec notre responsable pour travailler un thème à chaque fois comme ça on peut poser toutes nos questions dessus. Comme on a l’expérience du terrain, il y a des règles qu’on connait déjà mais on se rend compte qu’il y en a encore plein d’autres à apprendre donc c’est super intéressant pour nous d’avoir ces échanges. Sur un tournoi, j’ai également passé du temps avec Jérémy Rozier pour un petit cours sur certaines règles. C’est super agréable car ils savent qu’on n’a pas forcément les mêmes emplois du temps que tout le monde et ils s’adaptent à nous, ils se mettent vraiment à notre service.

Vous avez déjà commencé à arbitrer à quinze, comment se sont passés vos premiers matchs ?

DC : Dans l’ensemble, cela s’est bien passé. J’ai arbitré de la Fédérale 2 Féminine et de la 1ère Série masculine. Forcément, c’est un peu particulier parce qu’on a l’habitude d’être de l’autre côté. J’ai vite réussi à basculer et malgré le fait qu’on connaisse plutôt bien les règles, c’est quand même pas évident de les siffler à l’instant T, d’avoir la lucidité de prendre cette décision au bon moment et d’avoir le bon placement. J’ai pris du plaisir et je ne regrette pas d’avoir commencé cette formation. Je n’ai pas trop d’anecdotes sur ces débuts hormis le fait que les filles sont beaucoup plus gérables que les garçons. Même si les filles sont réputées pour beaucoup parler, pour le coup, ce sont les garçons qui m’ont beaucoup embêtés.

CP : Je n’ai pas pu vérifier ça parce que je n’ai arbitré que des garçons (elle rigole). J’ai commencé avec des Moins de 16 ans donc ils ont été super gentils. Ce que je trouve le plus compliqué à gérer c’est la hauteur des plaquages. On est AR2 (Arbitre Régional de niveau 2 ndlr) donc on arbitre uniquement en catégorie C (quatrième niveau de compétitions de rugby à XV avec un réglement adapté ndlr), les plaquages sont interdits au dessus de la taille. Pour nous, en tant que joueuse, un plaquage haut c’est au dessus des épaules, mais là pas du tout. Donc il fallait trier tout ça car si on siffle tous les plaquages trop hauts, on ne fait que ça et c’est compliqué pour que le jeu reste fluide. Après les référents m’ont fait des remarques sur mon placement mais vu que je cours vite, j’ai réussi à compenser comme Doriane je crois (elle rigole).

DC : Oui, oui, je confirme.

CP : Les formateurs m’ont dit que tous les arbitres qui démarraient après une carrière de joueur ou de joueuse avaient tendance à se placer dans le jeu. On a quasiment tendance à vouloir jouer. Il faut qu’on arrive à se remettre au bon endroit.

Malgré tout, le fait de jouer au rugby à haut-niveau doit vous aider dans votre arbitrage.

DC : Cela m’aide beaucoup. Quand je suis arbitrée, j’aime avoir un arbitre qui est assez disponible et qui permet le dialogue. Par exemple, j’ai toujours beaucoup apprécié l’arbitrage de Joy Neville car elle est toujours neutre et abordable sur comme en dehors du terrain pour expliquer ses décisions ou échanger avec les joueuses. J’essaie de le retranscrire en tant qu’arbitre parce que je trouve ça important pour la compréhension des règles et pour mettre en confiance les deux équipes. Je préfère instaurer un esprit sain plutôt que de la tension sur le terrain. Pour le moment, cela m’a plutôt bien servi, je n’ai pas eu de décisions qui ont été complètement remises en cause par l’une ou l’autre des équipes mais je m’applique à communiquer au maximum avec les joueurs pour éviter ces situations.

CP : Moi, c’est un peu pareil. Parfois, ils ne comprennent pas donc je leur explique la règle et la raison pour laquelle j’ai sifflé ça plutôt que ça. Comme Doriane, j’essaie de bien communiquer avec les capitaines parce que je sais que j’aime bien savoir pourquoi on me siffle. Quand j’ai le sifflet, j’essaie d’expliquer le plus possible.

Du coup sur le terrain avec France 7, dès qu’il y a une question ou une incompréhension sur une décision de l’arbitre, on se tourne directement vers vous ?

CP : À la base, quand j’ai commencé avec France 7, on n’était pas beaucoup à parler anglais sur le terrain donc souvent j’allais poser les questions aux arbitres. Maintenant, les filles viennent aussi nous demander notre avis sur des décisions d’arbitrage ou des fautes sur le terrain. Même quand on regarde un match du XV de France féminin ou masculin, elles nous demandent : « vous, vous auriez fait quoi ? » et on essaie d’expliquer le cheminement.

Votre regard a-t-il changé sur l’arbitrage ?

CP : J’ai toujours essayé de comprendre l’arbitrage, les règles, le fait que les arbitres ne peuvent pas tout voir… Avec la formation, j’ai surtout compris le rôle des arbitres de touche. Avant je me disais « mais ils sont en face, ils peuvent tout voir, pourquoi ils ne disent rien ? ». Ça m’énervait et maintenant j’ai compris que, parfois, ils ne pouvaient pas tout dire même s’ils voyaient tout.

Vous avez démarré à quinze car c’est le passage obligé, avez-vous aussi des objectifs à sept en tant qu’arbitre ?

DC : L’objectif, c’est de faire du 15 et du 7. Mais le 7 est moins régulier que le 15, il faut donc que l’on soit disponibles sur les plateaux proposés. Cela me plairait beaucoup d’arbitrer à l’internationale à 15 ou à 7 mais je ne me suis pas dit que je voulais être pro.

CP : Ça me plairait aussi d’arbitrer du rugby à sept. Si je peux aussi évoluer à l’internationale un jour, lors d’un Tournoi des 6 Nations par exemple, ce serait super. Je reste compétitrice donc dès que je m’engage dans un truc, j’ai envie d’aller jusqu’au bout mais comme Doriane, l’objectif n’est pas forcément d’être pro. Et puis ce serait un peu compliqué d’enchaîner, après ma carrière de joueuse, sur une carrière d’arbitre professionnelle. Mon corps va finir par me dire « tu ne peux plus courir, tu es trop vieille, il faut que tu arrêtes ». J’espère aller le plus vite possible à un très bon niveau mais il faut que mon arbitrage suive. Si je suis nulle, cela ne sert à rien d’aller à haut-niveau (elle rigole).

Il n’y a pas d’arbitre internationale française à 7 sur le Circuit mondial et aux Jeux Olympique, cela peut-être un objectif pour vous ?

CP : Pour les JO de 2028 ? Cela risque de faire beaucoup. Je serai un peu vieille (elle rigole). Si physiquement, je tiens la route, ça ne me dérangerait pas du tout. Mais pour être arbitre à sept, il y a beaucoup de tests physiques donc il faut les réussir. Et puis, il faut que j’ai le niveau. Je n’aimerais pas être propulsée comme ça juste parce que je suis française, ancienne internationale et qu’il n’y en a pas sur le Circuit. Je veux qu’on puisse y aller parce que les référents trouvent que l’on arbitre bien. Après, même si on veut y aller, c’est un peu rapide de s’imaginer arbitre internationale. On va déjà passer notre niveau 3 puis on aura besoin d’arbitrer un certain nombre de matchs en catégorie C pour passer au niveau fédéral et arbitrer dans toute la France.