Finaliste de la première étape du HSBC World Rugby Sevens Series à Dubaï, l’équipe masculine des États-Unis vit une période de transition depuis les Jeux Olympiques de Tokyo 2020. À l’approche des deux prochains tournois en Espagne, l’entraîneur des USA Sevens, Mike Friday, aborde la situation de son groupe, l’avenir du Sevens mondial et porte même son regard expert sur France 7. (Crédit photo : World Rugby)

Qu’elle semble loin cette saison 2019 ponctuée par une deuxième place sur les World Series et pas moins de sept podiums en dix tournois. Depuis, il y a eu la pandémie de COVID-19, l’arrêt de la saison 2020 et le report des Jeux Olympiques de Tokyo. Au final, ces deuxièmes olympiades, un an plus tard, se sont terminées cet été sur une sixième place loin des objectifs de médaille de l’équipe américaine. Comme vous pouvez le voir plus bas, la main levée, le regard bas, Martin Iosefo a célébré son 50ème tournoi sur les World Series à Dubaï lors de la deuxième étape de la saison. Un cap atteint mais qu’il ne franchira pas car le pilier a annoncé qu’il quittait le prestigieux programme américain de Sevens pour se consacrer au rugby à XV dans l’optique de la Coupe du monde 2023. Danny Barrett et Matai Leuta ont signé chez les Houston Sabercats, l’une des équipes de la Major League Rugby, le championnat professionnel à XV des États-Unis. Après les retraites des vétérans, Ben Pinkelman et Brett Thomson, le capitaine et troisième joueur le plus capé à sept du pays, Madison Hughes, a décidé de faire un break avec le rugby professionnel. Une page est en train de se tourner chez les Eagles Sevens car c’est un tiers de l’effectif américain des derniers JO qui a quitté le groupe. Six joueurs qui caracolaient quasiment tous à plus de 200 matchs sur les World Series voir près de 300 pour certains. Comment remplacer ces « Big Guys » et rester dans le haut de tableau du Sevens mondial à moins de trois ans des prochaines olympiades ? C’est le challenge qui s’est présenté à Mike Friday, l’entraîneur américain depuis 2014, dans ce début de saison.

Les Eagles Sevens en transition

« Ça a été une période difficile, de changement et d’incertitudes sur le plan du jeu, du coaching et de l’évolution du programme. Cela a été très dur car les athlètes professionnels aiment la routine, la continuité et nous n’avions ni l’un, ni l’autre. Nous avions des ajustements et nous étions dans l’adaptation en permanence. Les garçons l’ont bien fait dans des circonstances pas idéales pour eux car nous avons perdu de nombreux joueurs expérimentés. Heureusement, des jeunes joueurs nous ont rejoint et cela a amené du changement, une évolution pour ne pas dire une révolution. Ce sont des moments compliqués mais c’est aussi dans ces périodes que l’on se challenge et c’est excitant. Cela dépend juste si vous voyez le verre à moitié vide ou à moitié plein. »

Le 3 décembre dernier, Martin Iosefo a participé à son 50ème et dernier tournoi du World Series à Dubaï. (Crédit photo : World Rugby)
La leçon de Dubaï

« C’était comme si nous étions dans des montagnes russes. Il y a eu de fabuleux moments et d’autres absolument terribles. Nous sommes allés en finale du premier tournoi mais nous avons surtout ressorti toutes les choses qui n’allaient pas sur le premier jour. Nous étions vraiment très très pauvres sur les bases de ce jeu et notamment inefficaces ballon en main. Nous avons pris une sévère leçon mais nous avons appris pour rectifier la chose sur la deuxième journée où nous avons vraiment bien joué. En finale, nous avons fait trois erreurs, encore une fois basiques, sur nos possessions et les Sud-Africains ont été impitoyables dans les duels. C’était une dure leçon pour nos nouveaux joueurs mais c’est la réalité du Sevens, c’est un sport brutal qui vous puni à la moindre erreur, c’est ce qui nous est arrivé. Une bonne leçon pour aller de l’avant sur la suite de la saison. »

Quel avenir pour son équipe ?

« La priorité pour nous est l’évolution et le développement d’une équipe capable de pérenniser ce que nous avons construit sur les dernières saisons. Nous voulons rester parmi les meilleures nations du Sevens, concourir pour le titre sur le Circuit mondial et pour une médaille olympique. Nous devons aussi accepter que c’est un rêve que nous partageons avec d’autres et à quel point c’est dur d’y arriver. Nous allons grandir mais on ne doit pas se cannibaliser au niveau domestique avec la Major League Rugby car nous n’avons pas la profondeur d’effectif que peuvent avoir d’autres nations. Le rêve olympique est très important aux États-Unis, nous devons tous l’accepter, la fédération, le pays et la MLR. Ils doivent accepter que s’ils ont des joueurs avec un potentiel pour participer aux Jeux Olympiques, ils doivent les encourager à rejoindre notre programme plutôt que de les retenir. Malheureusement, c’est parfois difficile de retenir les leçons du passé mais je suis plein d’espoir pour la suite. Si nous pouvons assurer les moyens en place, nous pourrons continuer d’être compétitif et faire partie de ce qui se fait de mieux sur le Circuit mondial. »

Le capitaine américain, Madison Hughes (en tête) ou encore Danny Barrett (en deuxième), ont tous les deux quitté l’équipe nationale à sept. (Crédit photo : World rugby)
L’avenir du Sevens mondial

« J’ai bon espoir que l’on préserve cette ADN du Sevens, que l’on reconnaisse le format olympique et que l’on se rende compte de ce que sont les Jeux Olympiques. Les JO donnent l’opportunité à tous les pays de se développer et de devenir une superpuissance du Sevens. Ce que nous voulons, avec tout le respect que l’on doit au rugby à quinze qui est joué à travers le monde, c’est devenir un vrai sport universel qui donne l’opportunité à chaque nation, si elle s’y applique, de devenir championne olympique. Nous l’avons vu sur le Circuit mondial avec douze équipes qui ont déjà remporté au moins un tournoi dont certaines qui n’étaient pas familières de la discipline : Canada, Kenya, États-Unis… Toutes les grandes nations qui ont une tradition du rugby monopolisent le quinze mondial, espérons qu’elles sauront reconnaître ce potentiel du Sevens et qu’elles ne le compromettront pas au profit de quelques dollars. »

France 7

« Les Français aussi ont souffert alors qu’ils ont une belle équipe, une grosse équipe même, avec beaucoup de puissance, de rythme et beaucoup de vigueur. Mais parfois cela ne fonctionne pas à sept et je crois que cela a été le cas pour la France sur le premier tournoi. Mais je sais que sur la suite de la saison, nous allons voir l’équipe de France que nous connaissons : un mix de puissance et de physicalité. Ils sont grands et très athlétiques mais surtout vraiment imprévisibles, c’est pour ça que l’on aime le rugby français. Leur position lors du premier tournoi à Dubaï ne représente pas leur vraie place sur l’échiquier mondial, ils ont le niveau eux-aussi de jouer des finales sur les prochains tournois. »

Propos recueillis par José Edo