À une semaine de la prochaine étape du HSBC SVNS Series à Hong Kong, l’entraîneur de France 7 Féminin, Romain Huet, revient sur le dernier tournoi manqué par les Bleues à Vancouver (neuvième place) et partage sa volonté d’atteindre différents points d’étapes dans la gestion de ce nouveau groupe.

Romain, l’équipe de France 7 Féminin n’a pas réussi à rejoindre la Cup à Vancouver, une première cette saison, quel bilan avez-vous tiré de ce tournoi ? 

Romain Huet : Cela reste une déception sportive car l’on ne s’est pas qualifiés pour les quarts. Mais ça aurait très bien pu nous arriver avant. Paradoxalement, tout n’est pas à jeter. Il y a des choses sur lesquelles on a pu évoluer, on gagne en consistance sur pas mal de paramètres. À nous maintenant d’avoir la maîtrise à la fois émotionnelle et l’initiative pour rentrer dans les tournois de la meilleure des manières.

Quels sont les points positifs à retenir de cette étape ?

Romain Huet : On est l’une des équipes qui récupère le plus de ballons sur les coups d’envoi, notre capacité à lancer le jeu, à être plus pertinents dans nos choix offensifs. Ce sont pleins de paramètres sur lesquels on avait mis un focus et où on a progressé. Mais chaque match est une histoire, et les histoires ont plutôt mal démarré sur chaque match à Vancouver, ce qui fait que l’on a été un peu moins en réussite. Après la déception de l’élimination en poule, les filles n’ont pas basculé dans une volonté de réaction, mais bien dans la volonté d’augmenter nos standards en étant concentrés sur ce que l’on voulait faire. C’est facile d’agir sur la pédale émotionnelle. Tu as perdu, tu réagis. Mais on a réagi avec du contenu, de la précision, de la préparation et surtout collectivement. Là, on construit des étapes et on place des choses. Le scénario du dernier tournoi nous a permis de vivre ça : la déception ensemble. Et cela ne nous a pas empêché de passer du bon temps ensemble l’après-midi. C’est le plus mauvais résultat que l’on ait jamais eu en équipe de France. Ok très bien. Et donc ? À cause de ça on va se faire la gueule et on ne va pas se comporter en équipe ? Surtout pas ! À aucun moment on est tombés dans l’émotion et on a construit des choses intéressantes sur ces matchs-là. C’est ça qui est important pour moi. Il faut que l’on soit en capacité de dissocier le résultat sportif et le contenu. On est très concentrés sur le contenu. On sait que notre chemin passera par là et que la consistance se fera à ce prix là. On ne crée pas de la complicité uniquement quand ça va bien, on peut créer des choses aussi quand cela ne va pas donc faisons en sorte de bien débriefer les choses et que ça nous serve aussi d’apprentissage.

Le point noir, c’est qu’il y a de la casse…

Romain Huet : C’est vraiment une difficulté… C’est le premier indicateur de performance que l’on a, avoir des gens qui sont bien dans leur tête et dans leur corps pour pouvoir performer. Ce sont des moments difficiles car il s’agit de joueuses comme Iän Jason et Anne-Cécile Ciofani qui sont très importantes pour le groupe. On a eu aussi Perrine Fagnen qui s’est blessée sur sa première tournée. Il ne faut pas que ce soit une fatalité, mais on sait que l’on n’atteindra jamais le zéro risque. Ce sont des choses complexes à aborder, mais nous allons faire en sorte d’être meilleurs là-dedans en incluant les joueuses.

Vous attaquez la dernière tournée avant la Grande Finale à Los Angeles, pourquoi celle-ci reste importante ?

Romain Huet : On va avoir un groupe largement remanié avec des filles qui vont découvrir le circuit. Du fait de ces blessures, mais aussi d’une volonté de notre part d’impulser des nouveaux potentiels, de créer des vocations avec le 7 et de faire découvrir cet univers. On reste un sport d’expérience, donc plus tôt on connaît cette expérience-là, plus tôt on apprend. Et ce n’est pas par défaut que l’on a mis ces joueuses-là, on les a choisies, même s’il y a des choix que l’on subit par rapport aux blessures et d’autres que l’on souhaite vraiment. Mais tout est une question d’opportunité, on est désolé pour nos blessées mais on a la chance d’avoir un vivier important et plus vite on lui fera découvrir tout ça, plus vite on aura des bénéfices. 

Justement, lors de cette préparation pour la tournée asiatique, on vous a vu travailler avec l’Académie Olympique, quels sont les avantages de collaborer avec cette filière de haut-niveau jeune ?

Romain Huet : C’est un parti-pris très stratégique. Il y a une vraie volonté de notre part de travailler en commun. J’avais ce souhait, surtout en début de cycle, que l’on soit ensemble. On est tout le temps en déplacement dans l’année, on est une équipe de France que l’on voit peu au CNR (NDLR Centre National de Rugby à Marcoussis). Donc si l’on ne se crée pas des opportunités de travail commun, comment est-ce que l’on fait pour se voir avec la filière et mettre de la complicité ? La deuxième chose, c’est que cela nous permet de travailler en opposition, mais c’est aussi l’occasion de faire évoluer les meilleurs potentiels français en travaillant face à une équipe qui joue en SVNS Series. Aujourd’hui, tu progresses quand tu es confrontée à meilleur que toi. Et plusieurs fois, l’Académie a donné énormément de fil à retordre à France 7 Féminin car elle jouait avec beaucoup d’ambition. Cela permet aussi de voir que le vivier est là et progresse. Ce travail commun permet au staff à tous les niveaux, managerial, entraînement, préparation physique, médecin, d’échanger sur les bonnes pratiques. On crée un vrai groupe France.

À quoi vous attendez-vous à Hong Kong notamment ?

Romain Huet : Le premier tournoi de 7 que j’ai vu en étant en France : c’était Hong Kong. Cela va être dans un nouveau stade, j’ai eu la chance de connaître l’ancien. Cela reste un endroit complètement atypique, tant la ville par son histoire, tant le tournoi par son histoire. Ce mélange de culture anglo-saxonne et chinoise, ça m’évoque énormément de choses pour moi qui suis fan d’histoire. Quand on parle de géopolitique, on peut parler d’Hong Kong, c’est un exemple incroyable. Et le tournoi en lui-même l’est aussi. Pour celles qui vont faire leur première sélection à Hong Kong, elles vont s’en souvenir. Un peu comme à Dubaï. Je dis souvent aux gens que s’il y a un tournoi de 7 à faire dans sa vie c’est Hong Kong ou Dubaï. Ce sont des tournois mythiques.

Un mot sur la poule qui vous attend là-bas : Fidji, Grande-Bretagne et Irlande ?

Romain Huet : Il y aura des retrouvailles. C’est facile d’appuyer un peu sur la revanche. Le principe que l’on développe, c’est que l’on peut réagir. Mais être tout le temps en réaction, c’est embêtant. La motivation ne sera pas dure à trouver avec cette poule dont deux équipes nous ont battues à Vancouver (NDLR Fidji et Grande-Bretagne) et il n’y avait pas grand-chose à dire car elles ont fait un très bon match contre nous. De notre côté, on avait été plutôt moyennes.

Si vous êtes aujourd’hui qualifiés pour Los Angeles, quelle est l’importance de ces deux tournois malgré tout ?

Romain Huet : Cette tournée n’est pas plus importante qu’une autre. C’est aussi, pour un groupe qui est jeune, l’occasion de gérer un double tournoi. Enchaîner des tournois à 7 ça s’apprend, cela demande de l’expérience et c’est ce qui nous plaît. On va exposer cette équipe, des jeunes joueuses, à deux tournois consécutifs, une ambiance particulière à Hong Kong, une autre thermique différente à Singapour. Je suis impatient de voir comment l’on va réagir et on ne se concentre que là-dessus. Le contenu, faire vivre les expériences, voir les choses tout en ayant le plus d’ambition possible à chaque fois. On est bien sur très déçus lorsque l’on perd contre l’Espagne, la Grande-Bretagne ou les Fidji comme dernièrement, mais on ne l’est pas moins lorsque l’on perd la Nouvelle-Zélande ou l’Australie. On a un groupe aujourd’hui qui a de l’ambition et on la développe au quotidien. Que ce soit dans le contenu ou dans les résultats. C’est quelque chose qui est inhérent au groupe et qui est rentré dans sa culture.

À titre personnel, comment vivez-vous ce premier exercice à la tête de ce groupe ?

Romain Huet : On est dedans et ça va vite ! Autant sur le terrain qu’en-dehors. Je prends beaucoup de plaisir à construire ce groupe même s’il y a du challenge. Nous gagnons en complicité aussi avec le staff, dans la qualité de nos interactions. J’ai également le sentiment que beaucoup de choses se sont construites entre nous avec le groupe car l’on a vécu beaucoup d’aventures. Des surprises, des déceptions… Je me rends compte personnellement que ce qui compte, c’est d’être bon sur les choses simples et que l’on peut maîtriser. Ce n’est pas aujourd’hui que je l’apprends mais c’est encore plus vrai. On cultive un environnement au quotidien et ça c’est important. Qu’il amène bien sûr à la performance mais que l’on vive quelque chose de sympa aussi !