Étape incontournable du HSBC SVNS Series, l’Emirates Dubai 7s est le plus grand événement sportif et de divertissement du Moyen-Orient. On vous invite à le découvrir de l’intérieur avec le Directeur sportif du tournoi, Simon Jelowitz (Crédit photo : Emirates Dubai 7s).

Simon, comment est né l’Emirates Dubai 7s ?

Simon Jelowitz : Tout a commencé en 1970 au milieu du désert. À l’époque, le territoire faisait encore partie du Royaume-Uni et les Émirats Arabes Unis n’étaient même pas encore formés (ils l’ont été en 1971 ndlr) ! Il y avait une petite communauté d’expatriés qui travaillaient dans le pétrole et le gaz dont des anciens joueurs de rugby qui ont décidé de créer un tournoi amateur. Au début, c’étaient uniquement des équipes de la région sur le terrain du Dubai Exiles RFC et petit à petit, de plus en plus de clubs du Golfe Persique ont rejoint l’aventure ainsi que des formations étrangères. Aujourd’hui, le Dubai 7s c’est une étape du HSBC SVNS Series depuis 1999, un tournoi « Invitational Rugby » (près de 300 équipes réparties en 18 niveaux), un tournoi de Netball (96 équipes), de Cricket (44 équipes), de Padel (400 équipes de double) et de Fitness « WODON3 » (360 participants). C’est vraiment spécial de travailler ici car dans l’histoire des Émirats Arabes Unis (EAU), il y a toujours eu le rugby hérité de la culture occidentale.

Après avoir été directeur de tournoi pour World Rugby et l’EPCR, vous avez été en charge des opérations sportives à la fédération néo-zélandaise, à la Coupe du monde de rugby 2015 et à Rugby Europe. Quel est votre rôle au Dubai 7s depuis 2020 ?

SJ : Je suis le Directeur sportif du tournoi en charge de toutes les opérations sportives. Mon boulot est de livrer l‘étape du Circuit mondial de rugby à sept la plus professionnelle et la mieux organisée de la planète. Notre mission a une grosse partie logistique (transports, hébergement, repas, blanchisserie, médical…) avec un objectif d’être invisible pour éviter toute distraction aux joueurs, joueuses et officiels de match. Donnez le meilleur de vous-même, on s’occupe du reste. Je supervise également toute la partie « Invitational Rugby » et les quatre autres sports.

Quel est le plus grand défi de votre équipe ? 

SJ : Notre travail est simple, on permet à des milliers de participants de passer des bons moments. Quand les gens me disent que l’Invitational est amateur, c’est vrai, mais nous devons le livrer avec les même standards que la partie professionnelle. On ne fait pas de différence avec le SVNS Series car le Dubai 7s doit être un moment spécial pour tous. On parle quand même de plus de 6 000 personnes qui vont pratiquer du sport sur notre évènement ! Le rugby est prédominant avec plus de 4 000 joueurs et joueuses (en incluant le Circuit mondial ndlr) qui ont des objectifs bien différents. Certains ont déjà joué en SVNS Series ou ont l’ambition d’y goûter un jour mais pour la plupart, il s’agit de groupes d’hommes, de femmes, d’enfants, d’amis, de collègues qui veulent prendre du plaisir tous ensemble à jouer au rugby, boire quelques bières (avec modération ndlr), rencontrer de nouveaux amis ou en retrouver d’autres. Notre boulot est de comprendre les enjeux de chaque sport, chaque niveau et le plus possible de chaque équipe. C’est un budget de venir à l’Emirates Dubai 7s et c’est ma responsabilité que chacun en ait pour son argent. 

  Les 18 tableaux de l’Invitational RugbyExplications
International Invitational MenLe plus haut niveau masculin avec des joueurs professionnels ou aspirants au SVNS Series.
International Invitational Women Plus haut niveau féminin avec des équipes développement telles que Australie A, Irlande A, Springboks 7, Belgique, Brésil, Pologne, Chine…
International Open MenDeuxième niveau masculin. Joueurs expérimentés, nations en développement (Hong Kong Chine, Monaco Impis…).
International Open WomenDeuxième niveau féminin. Joueuses expérimentées et nations en développement (Hong Kong Chine).
International Social MenTroisième niveau masculin. Joueurs habitués au Sevens, universités et anciens élèves d’écoles.
International Social WomenNouveau  – 12 équipes féminines en développement sont présentes pour le plaisir.
International SUPER Social MenNouveau  – Quatrième niveau masculin, principalement loisir avec des joueurs moins aguerris au sept.
International Under 19 BoysTableau masculin pour les moins de 19 ans avec des équipes internationales de bon niveau (Afrique du sud, Australie, Belgique, États-Unis…).
International VetsTableau masculin pour les plus de 35 ans qui se joue à 10. De nombreuses équipes avec un objectif caritatif et des anciens internationaux (All Blacks, France, Angleterre…).
International Vets SocialDeuxième tableau masculin vétéran. Du fun, des copains et quelques bières (avec modération).
Gulf Men’s LeagueTableau régional réservé aux meilleures équipes du championnat de l’ouest de l’Asie.
Gulf Men’s OpenSecond tableau régional avec les clubs masculins des EAU et du Moyen-Orient.
Gulf Men’s SocialTroisième tableau régional avec des équipes du Moyen-Orient.
Gulf VetsTableau régional à 10 pour les plus de 35 ans avec des équipes du Moyen-Orient.
Gulf Under 19 BoysLe plus gros tournoi de jeunes aux EAU, réservé aux moins de 19 ans. La finale se joue sur le terrain 1 du Sevens Stadium.
Gulf Under 19 GirlsLe plus gros tournoi de jeunes aux EAU, réservé aux moins de 19 ans. La finale se joue sur le terrain 1 du Sevens Stadium.
Gulf WomenLe plus gros tournoi féminin aux EAU et au Moyen-Orient.
UAE National School BoysChampionnat des écoles émiraties.

Ce mélange entre amateurs et professionnels est d’ailleurs l’une des grandes particularités de votre tournoi.

SJ : J’ai un rituel à chaque édition. Je vais du côté le plus éloigné du terrain 2, je m’installe derrière les poteaux pendant 15 minutes pour observer. Sur le terrain, vous passez d’un France – Nouvelle-Zélande à une rencontre d’anciennes légendes puis un duel entre des clubs locaux, des filles, des garçons, c’est incroyable. Quand vous marchez dans l’allée principale, vous pouvez aussi croiser vos idoles d’aujourd’hui ou d’hier et peut-être qu’ils s’arrêteront même pour discuter avec vous. C’est très inspirant pour tout le monde et notamment pour les jeunes qui peuvent avoir l’opportunité d’échanger avec des athlètes olympiques. Ce tournoi reflète l’incroyable diversité que ce pays offre.

Combien de personnes travaillent sur l’organisation de cet évènement ?

SJ : Nous ne sommes que huit employés permanents dont deux aux opérations sportives avec Isabel Wilton-Steer. Les six autres sont en charge des finances, des relations publiques, du marketing sans oublier Mathew Tait, l’ancien joueur des Leicester Tigers et du XV de la rose, qui est le Manager général et le Directeur du festival. Sur ma partie, on a une équipe de 12 personnes avec des prestataires pour la logistique et la gestion des autres sports. Nous avons également une grosse centaine de volontaires qui nous aident sur les derniers mois avec un rôle absolument crucial.

Le Dubai 7s n’est plus seulement un tournoi de rugby, qu’est-ce qui a motivé l’ajout des autres disciplines sportives ?

SJ : Nous sommes tous ici pour le rugby à sept, c’est le coeur historique de l’Emirates Dubai 7s mais le rugby n’est plus suffisant dans le cadre d’une expérience globale. Nous devons nous diversifier pour continuer d’attirer les gens. Ce sera toujours l’ambiance du sept avec la fête et les déguisements mais nous voulons devenir l’événement social du week-end. Voilà pourquoi nous avons introduit le Netball parce qu’il y a une très grosse communauté qui pratique ce sport ici et à l’international. Nous voulons aussi que notre évènement soit représentatif de la diaspora locale. Les communautés indiennes, pakistanaises et bangladaises sont très présentes dans la région donc c’était important d’introduire le Cricket qui a un fort soutien dans le sous-continent indien. Les terrains de cricket sont plus utilisés que les terrains de rugby à ce jour. Le Fitness et le Padel répondent aussi à cette logique de toucher une communauté plus large. La musique est également devenue une stratégie centrale pour nous avec la présence d’artistes internationaux tels que Stormzy, Disclosure, Becky Hill… Cette année, Sean Paul, Shaggy et le DJ australien, Fisher seront présents. C’est presque comme un festival de musique, l’ambiance est géniale, l’environnement est sûr et les gens s’amusent.

Avez-vous également un rôle dans le développement du rugby au Moyen-Orient ?

SJ : Oui, nous avons une relation cordiale avec la Fédération de Rugby des EAU et un accord en place pour que leurs équipes nationales utilisent nos installations au Sevens Stadium. Ici, on joue principalement à sept car le temps et le nombre de licenciés se prêtent davantage à cette discipline. L’Emirates Dubai 7s est donc le tournoi phare auquel tout joueur de rugby, de Cricket, de Netball, de Padel et pratiquant de Fitness de la région veut participer. Il permet aussi aux équipes des EAU de se confronter à des adversaires internationaux. Sur les 56 nationalités qui participent à l’événement, nous avons des équipes de la région mais aussi du Liban, de Jordanie, d’Égypte, de Syrie et du Kurdistan pour n’en citer que quelques-unes. Leur rêve est de jouer une finale sur le terrain principal devant plus de 25 000 personnes. Mon fils a gagné le tournoi U19 en 2021 donc je sais de quoi je parle, c’était un moment vraiment spécial. Les clubs locaux le prennent très au sérieux, c’est un vrai rite de passage. C’est formidable de voir qu’au fur et à mesure que le tournoi grandit, la passion pour le rugby au Moyen-Orient se développe aussi.

Le Dubai Sevens impressionne par sa longévité et sa croissance, quel est son modèle économique ?

SJ : Le tournoi appartient à Emirates. Notre modèle est donc un peu différent des autres étapes même si nous devons être rentables et nous développer commercialement. Nous sommes très chanceux car la compagnie aérienne permet de faire venir toutes les équipes du SVNS World Series dans des conditions optimales. Le groupe Emirates dispose aussi d’un vaste catalogue de sociétés avec par exemple le groupe Emirates Ground Transport qui transporte tout le monde sur place avec ses bus et la société Linincraft qui s’occupe de toute la blanchisserie. C’est une approche très collégiale. Mais ne vous y trompez pas, nous sommes tenus à des objectifs très élevés de responsabilité en ce qui concerne notre résultat net.

Quelle est la prochaine étape pour aller encore plus loin ? 

SJ : Sur le plan sportif, nous sommes passés de deux sports en 2020 (Rugby et Netball ndlr) à cinq aujourd’hui donc nous avons grandi de manière assez exponentielle très rapidement. La première chose est de m’assurer que l’excellence est la norme absolue pour nous, dans tous nos sports. Pouvons-nous vraiment dire que nous organisons des événements de classe mondiale dans chacune de ces disciplines ? Nous sommes très heureux mais nous avons encore du travail à faire. Nous aimerions aller plus loin sur l’arbitrage et aider au développement des officiels de match de l’Invitational en collaboration avec World Rugby. Nous avons un responsable des arbitres qui revoit les matchs à la vidéo et fait des rapports aux arbitres en temps réel. Si chaque fédération pouvait en profiter pour faire grandir ses arbitres, ce serait génial. Nous nous questionnons davantage aussi sur l’expérience autour de l’évènement. Qu’est-ce que nous pouvons offrir de plus en termes de musique et de loisirs pour enfants ? L’aspect environnemental prend aussi une plus grande place avec des mesures pour réduire l’utilisation de plastique tout en assurant un accès à l’eau pour tout le monde vu les fortes chaleurs dans le désert. Nous sommes fiers de là où nous en sommes mais je veux que nous soyons les meilleurs dans tous les domaines.

L’Europe n’avait pas d’étape du SVNS Series en 2025, Valladolid et Bordeaux intègrent le calendrier cette saison, qu’elle serait la bonne recette selon vous pour qu’un tournoi européen de Sevens s’installe dans la durée ?

SJ : En 25 ans, la démographie des spectateurs à s’engager autour du sept a changé et c’est de plus en plus difficile de les captiver notamment la jeune génération. De mon point de vue, je dirais qu’il ne faut pas craindre d’aller dans un stade de 15 000 ou 20 000 places du moment que la ville est derrière vous et qu’un maximum de gens peuvent jouer, s’amuser, faire des choses autour. Souvent on veut le plus grand stade, c’est une question de prestige pour le Circuit mondial, mais ce n’est pas toujours commercialement viable en tant que produit. À Dubai, le terrain 1 peut accueillir seulement 28 000 personnes mais nous avons huit autres terrains de rugby, cinq de cricket, quatre de netball sur le même lieu. C’est le scénario idéal d’avoir tout sur place et nous en sommes très chanceux car ça nous permet de faire venir près de 6 000 participants qui génèrent leurs propres revenus en plus de ceux des spectateurs. Si nous découvrons que nous avons la possibilité de déménager dans un endroit avec un stade de 50 000 places, discutons-en. Mais d’abord, on veut créer quelque chose où tout le monde veut être car l’atmosphère y est géniale.

J’ai eu la chance de travailler sur des tournois en France et ils sont toujours organisés de manière fantastique. Il y a une merveilleuse culture du rugby en France avec un public passionné de sport à l’image de l’engouement autour des derniers Jeux Olympiques. Je suis allé voir des épreuves et c’était magique. La croissance du rugby sept y est également très intéressante. C’est le seul pays avec une ligue professionnelle de Sevens et vous avez eu la médaille d’or aux JO. L’idée est de livrer quelque chose qui célèbre ça ainsi que le caractère unique de la ville, du pays et des talents de la région. J’ai déjà prévu d’aller à Bordeaux l’année prochaine, ce sera une excellente occasion d’observer, d’apprendre et de s’amuser bien sûr !