Auteur d’un début de saison tonitruant sur le Circuit mondial, Ngarohi McGarvey-Black a pourtant vécu une année 2024 pleine de rebondissements. De sa blessure à Perth en janvier aux Jeux Olympiques de Paris en juillet, l’international néo-zélandais à 7 a bataillé pour vivre cette olympiade. Sa participation à deux tournois en France, dont le Eaast 7s, avec les All Blacks Sevens Developpement a notamment été déterminante (crédits photos : World Rugby / Eaast 7s).
Ngarohi, tu as vécu un début d’année mouvementé, raconte-nous ce qu’il t’est arrivé.
Ngarohi McGarvey-Black : Oui c’était dur. Quand je me suis blessé à Perth et que l’on m’a annoncé que j’allais être absent deux à trois mois, c’était vraiment difficile à encaisser. Heureusement, j’ai pu revenir pour le tournoi de Singapour à la fin du mois de mai et je me sentais bien. Malheureusement, je n’ai pas beaucoup joué et je n’ai pas été sélectionné pour la finale du HSBC SVNS Series à Madrid. C’était la dernière étape avant que l’équipe pour les Jeux Olympiques ne soit annoncée. À ce moment-là, je me suis dit que c’était terminé.
Tu pensais que l’équipe de Madrid était celle qui irait aux JO ?
Ngarohi McGarvey-Black : Oui, dans nos têtes à tous, l’équipe qui partait en Espagne était celle qui irait à Paris. C’était le dernier tournoi de l’année, très peu de joueurs étaient blessés, et que ce soit sur les lancements ou la cohésion, tout le monde devait être sur la même longueur d’onde. J’ai vraiment cru que mon rêve olympique s’arrêtait là. J’ai mis un jour à digérer tout ça et puis j’ai commencé à regarder les possibilité d’être réserviste. Il y avait encore deux ou trois places à prendre sachant qu’un joueur pouvait aussi se blesser pendant la préparation. En plus, le staff nous avait dit qu’un deuxième groupe jouerait en parallèle au Howard Hinton Sevens à Tours et au Eaast 7s à Haguenau. J’ai eu un déclic, je me suis dit : « je dois changer d’état d’esprit, il faut que je me batte pour cette place ».
Qu’est-ce que cette période avec les All Blacks Développement t’a apporté ?
Ngarohi McGarvey-Black : Déjà cela voulait dire que j’allais en France mais dans un groupe avec beaucoup de jeunes joueurs. J’ai d’abord dû m’adapter et prendre une position de leader. Si j’avais joué avec des gars plus vieux, je n’aurais probablement pas pris ce rôle. Les garçons étaient super motivés, certains venaient juste de fêter leurs 18 ans en France, c’était vraiment une énergie nouvelle. Je savais que je devais essayer de les guider et ça m’a aidé à changer d’état d’esprit.
Penses-tu que ce chemin alternatif a été déterminant dans ta sélection pour les Jeux Olympiques ?
Ngarohi McGarvey-Black : Oui car il m’a obligé à changer ma façon de voir les choses. Je savais qu’on allait avoir deux tournois à jouer et que ça allait être difficile. Il y avait beaucoup de joueurs internationaux notamment au Eaast 7s avec l’Italie, l’Allemagne, la Belgique… Et puis, si je n’avais pas joué ces tournois, je serais resté sur mon canapé à la maison pendant toute la période des Jeux. J’ai vraiment pris ça comme une opportunité de jouer, de m’exprimer et de montrer ce dont j’étais capable. En même temps, je ne l’ai jamais fait dans l’idée de me prouver quoi que ce soit. Je voulais juste jouer à fond, ne pas avoir peur de faire des erreurs et m’amuser tout simplement. J’ai toujours dit aux garçons : « chacun de nous peut être appelé dans le groupe olympique à tout moment. On ne sait jamais ce qui peut se passer, quelqu’un peut se blesser la veille de la compétition, alors tout est possible ». Il y avait de l’espoir et on était tous dans le même bateau.
Parle-nous de cette annonce du groupe des All Blacks Sevens pour les JO.
Ngarohi McGarvey-Black : C’était plutôt drôle. Je n’étais pas du tout sous pression et j’avais même commencé à accepter le fait que je n’allais pas être sélectionné. Mais quand j’ai entendu mon nom… Je suis resté figé pendant quelques minutes. Je n’ai rien dit et je n’ai même pas entendu la suite de la conversation avec les coachs. J’ai juste capté quelques trucs qu’ils m’ont dit : à quel point ils étaient fiers de moi et satisfaits de la façon dont j’avais géré les choses, notamment en France sur le leadership et le fait de jouer libéré. C’est ce qu’ils attendaient de moi. Ces commentaires sont restés en moi.
Qu’est-ce que cela signifie pour toi d’être un All Black ?
Ngarohi McGarvey-Black : En grandissant, tu veux devenir un All Black. C’est un rêve qui est devenu réalité. Pour moi, ce que cette équipe signifie, représenter ce que je suis, d’où je viens, ça me touche profondément. C’est ce qui me motive tous les jours. C’est une grande joie de sortir sur le terrain en sachant que tu représentes ta famille. La première fois que j’ai porté le maillot en 2018 à Las Vegas, c’était assez dingue. Tu es là et tu te dis « je fais vraiment partie de l’équipe maintenant ». C’était génial de jouer avec les gars que je voyais habituellement à la télé.
À quel point ta culture est importante dans ta carrière de rugbyman professionnel ?
Ngarohi McGarvey-Black : C’est très important pour moi d’être Māori. Tout ce que je fais me permet de garder cette flamme allumée et de rester proche de ma culture. Nous chantons chaque matin, nous apprenons à faire des tresses Māories, le Haka et d’autres pratiques. Tous les garçons sont impliqués. Les Māoris sont des gens très spirituels. On croit beaucoup à l’esprit. Donc avant les matchs, tu penses toujours à ceux qui sont passés avant toi, à ceux qui ont travaillé dur pour que tu sois où tu es. Quand tu peux puiser dans ces émotions et les utiliser comme énergie supplémentaire, c’est un vrai coup de boost.
Tu as été olympien à deux reprises, Tokyo 2020 et Paris 2024, quel est ton message pour les générations futures ?
Ngarohi McGarvey-Black : Mon message, c’est d’avoir l’esprit libre. Quand j’ai commencé, je suivais mon instinct et j’étais plus ouvert. Ce n’est que quelques années plus tard que j’ai commencé à me poser trop de questions du genre : « Est-ce que je suis assez bon ? ». Donc, si j’avais un message à transmettre, ce serait de profiter de ce qu’on fait, pas trop de pression, pas trop d’agitation, être fidèle à soi-même, travailler dur et ne pas oublier de s’amuser. Il y a le temps pour bosser et le temps pour s’amuser, il ne faut pas négliger ces deux aspects.
Tu as 28 ans, le HSBC SVNS Series a redémarré à Dubai et Cape Town, quel est ton objectif pour la suite de la saison ?
Ngarohi McGarvey-Black : Mon objectif pour 2025, c’est de rester en forme et en bonne santé. J’en ai marre de ces petites blessures qui m’éloignent de la compétition. Je suis dans ma huitième saison avec les All Blacks Sevens et ce qui me motive, c’est de rester sur le terrain. Le rugby est ma priorité.
As-tu d’autres projets en dehors du rugby ?
Ngarohi McGarvey-Black : On a un projet avec ma compagne qui est coordinatrice sportive. Elle fait aussi du crossfit, se forme sur l’entraînement et la nutrition. De mon côté, j’ai toujours voulu aider les jeunes. Parce que si tu viens d’un endroit comme le mien, avec des ressources limitées, tu sais à quel point il est difficile de devenir un athlète professionnel. L’idée serait donc d’ouvrir une salle de sport accessible à ces enfants, garçons comme filles, qui ont moins de moyens. Ce serait comme une académie où on leur montrerait ce qu’il faut faire pour devenir athlète avec des choses simples comme cuisiner un repas sain. Ça demande beaucoup de travail et d’argent pour mettre en place ce programme mais je suis sûr que cela pourrait vraiment leur offrir des chances. J’aimerais créer des opportunités pour tout le monde.
Propos recueillis par Teddy Stanaway (Eaast 7s).