À trois jours du France Sevens, le capitaine de France 7 Masculin, Paulin Riva, se projette sur ce retour tant attendu dans l’Hexagone des HSBC World Rugby Sevens Series. Une nouvelle occasion pour les Bleus de monter en puissance pour s’installer parmi les meilleures nations du circuit à quelques mois de la Coupe du monde (crédit photo : World Rugby).

Vous avez réalisé un tour du monde lors de votre dernière tournée entre Singapour et Vancouver, comment l’avez-vous vécu ?

Paulin Riva : On n’avait jamais effectué une tournée aussi dure en termes de voyage. Concrètement, quand il était 15-16h au Canada, j’avais l’impression qu’il était 22-23h donc j’avais un gros coup de barre et envie de dormir. Du coup, la semaine à Vancouver a été aménagée avec des entraînements légers et beaucoup de récupération. On a de la chance d’avoir un groupe très soudé, des mecs à l’écoute et tournés vers le collectif, car dans ces moments-là, il faut toujours rester positif. On est obligé de se régénérer mentalement donc on trouve nos petits hobbies et on aime se retrouver au moins une fois autour d’un bon repas pour bien discuter, ça nous fait du bien. Justement, ces situations en semaine avec beaucoup de fatigue, on les retrouve en match. Quand c’est très dur, on doit aller chercher un détail qui nous tire tous vers le haut et nous pousse vers le même objectif. C’est le rugby à sept de haut-niveau. À notre retour, on a eu droit à 5, 6 jours complets de récupération histoire de se remettre à niveau sur le décalage horaire avant de retourner au travail. Et en fait, on a naturellement été obligé de se remettre rapidement dans le bain car on a enchaîné sur une très grosse semaine de préparation à l’INSEP avec beaucoup d’entraînements, de rythme et de plaquages.

Quel regard portes-tu sur ces tournois de Singapour (9ème) et Vancouver (7ème) ?

PR : Je les regarde d’un très bon oeil car il y a plusieurs années, on n’était pas du tout à ce niveau-là, ni dans cette dynamique. Aujourd’hui, on se donne le droit de faire de très bons résultats et de très bons matchs. C’est vraiment très positif car cela n’arrive pas par erreur ou à cause d’une autre équipe qui a perdu. On se donne le droit d’y arriver. Maintenant, on manque encore de précision sur les fins de match, c’est peut-être une question d’état d’esprit, on doit être encore plus grand. Après, il faut vraiment se rendre compte que l’on a des garçons vraiment super, mais au-delà d’être jeunes, ils ont une expérience nouvelle du sept. En moyenne dans le groupe, la majorité des joueurs ont joué entre 5 et 10 tournois, ce qui est très bas par rapport à des équipes de très haut-niveau. C’est peut-être cette expérience aussi qui peut nous manquer sur des grosses fins de match. Le Sept ça va très vite. Face à de grosses équipes, une action loupée, un plaquage manqué, une passe ratée, un choix de jeu approximatif, c’est un tournant qui peut nous faire basculer. À Singapour, on perd un match face aux Fidji qui nous fait rater la qualification et on gagne tout ensuite. À Vancouver, on envoie un ballon en touche sur notre dernière possession (lors du quart de finale face aux Fidji ndlr) alors qu’on a la possibilité de marquer un essai et de gagner le match. Ce sont ces petits détails qui font qu’on n’est pas loin et qui nous frustrent énormément. On doit arriver à les soigner pour rester une grande équipe, dans le haut-niveau et maitriser les débats.

Paul Albaladéjo a analysé vos prestations à Vancouver et estimait que cela manquait parfois de pressing en défense à l’inverse de certaines nations comme les Fidji dont c’est le coeur de la stratégie, qu’est-ce que tu en penses ?

PR : C’est lié à notre plan de jeu. On veut avoir une ligne défensive très structurée avec très peu de cassure entre les mecs donc forcément cela induit un peu cette défense en contrôle. Mais bien sûr, on est toujours en train de le travailler. On a fait beaucoup de plaquages à l’INSEP et on est monté en puissance avec une opposition contre le Japon. On va essayer de presser un peu plus mais notre système de jeu n’est pas basé là-dessus. Or, si on ne presse pas, on se doit d’avoir une ligne très efficace au plaquage, on ne peut pas se permettre d’en louper ou de ne pas faire tomber les mecs rapidement, c’est un peu notre défaut à l’heure actuelle. On a vraiment mis l’accent dessus. Notre ligne conductrice, c’est d’avoir de très bonnes connexions entre nous, des intérieurs très forts, de vraiment chasser et de mettre des bons plaquages dans les couloirs pour récupérer un maximum de ballons dans les rucks car c’est devenu un point fort. On l’a montré face aux Irlandais, aux Argentins et même contre les Fidji avec un contre-ruck qui a amené un essai de Nelson (Épée ndlr). C’est une arme qu’il faut garder.

Tu parles du contre-ruck, Jean-Baptiste Gobelet était allé encore plus loin dans l’analyse après Singapour et nous parlait de réussir à prendre ces rucks en collision avec davantage de vitesse, c’est la grande force de l’Afrique du sud notamment. Tu es d’accord ?

PR : Oui, il prend comme exemple LA meilleure nation au monde dans ce secteur. Au niveau des breakdown, les Blitzboks, c’est ce qu’il se fait de mieux. Cela arrive à une vitesse folle, c’est toujours en avance et c’est jamais en retard. Nous cela fait partie de notre marge de progression d’arriver avec plus de vitesse mais c’est lié aussi à une communication claire et identifiée entre nous. Parfois avec la fatigue et la vitesse, c’est ce qui peut nous manquer. Il y a alors une erreur de compréhension donc une demi-seconde de retard, ce qui peut faire la différence. On le travaille aussi mais honnêtement, je n’ai pas peur de ça, je sais que l’on va y être. Si on a la bonne communication et les bons signaux, on va être une équipe dangereuse là-dessus.

Tout cela montre qu’il y a un vrai potentiel au sein de votre équipe car vous n’êtes vraiment pas loin du top 4 mondial…

PR : Il y a du potentiel mais il y a encore du travail pour être performant sur tous les matchs et faire un tournoi complet. Actuellement, on fait des à-coups. Maintenant, il faut construire et avancer tous ensemble pour aller chercher un tournoi. Je ne me suis jamais senti aussi bien pour aller gagner un tournoi. Avec une équipe comme ça, cela va arriver. D’autres joueurs vont rentrer, des anciens, des nouveaux, j’ai l’impression que tout le monde emmène cette équipe de France vers le haut. Ça donne vraiment envie.

En tant que capitaine, quels sont les signaux du quotidien qui te font dire ça ?

PR : Je vois des comportements. Face aux grosses nations, on n’a plus peur, enfin, on joue d’une autre manière, je ne dirais pas libérés mais on ne regarde plus qui c’est que l’on a en face. On a notre carte à jouer sur tous les matchs. Quand on bat les Fidji à Dubai, ce n’est pas anodin. À Vancouver, on fait match nul contre les Argentins qui battent tout le monde après et gagnent le tournoi, ce n’est pas le hasard non plus. On est prêt, on continue de se préparer mais je sens que c’est en train de monter et cela va arriver. La cerise sur le gâteau serait que cela arrive à Toulouse, ce serait bien.

Justement, cela fait trois ans que le France Sevens n’a pas eu lieu, qu’est-ce que cela vous fait de le retrouver enfin ?

PR : Franchement, c’est top. On va renouer avec le public français, c’est bien pour nous et notre sport. Pour moi, c’est une superbe expérience et ça m’a fait très chaud au coeur de voir que c’était organisé à Toulouse car j’aurai toute la famille et les amis qui seront-là, c’est super. Je n’ai qu’une envie, c’est de gagner. Après, je sais que je dirai aux mecs de ne pas se mettre de pression car il va y avoir beaucoup d’attente. Il faut se dire que cela reste un tournoi comme les autres. Par le passé, on a eu trop de résultats qui ne reflétaient pas ce que l’on voulait. Je ne veux pas que l’on mette 40 points aux Gallois pour s’écrouler ensuite face aux Kenyans et aux Fidjiens. Je veux que l’on monte en puissance, qu’on fasse vibrer ce stade et surtout que l’on ait un bon résultat pour nous parce qu’on le mérite. On travaille très dur et je ne vois pas pourquoi cela ne nous sourirait pas.

Comme tu le soulignes, en poule, vous allez retrouver le Pays de Galles, le Kenya et surtout les Fidji pour une cinquième confrontation déjà cette saison. Vous les avez battu une fois pour trois défaites mais chaque duel était très serré, ça aussi c’est le signe de votre progression ?

PR : Oui, on a vraiment l’impression d’accrocher les doubles champions olympiques à chaque fois. C’est très encourageant et c’est très bien que ce genre de matchs arrive car cela ne peut que nous rassurer de réaliser ces prestations. C’est que du positif et cela montre que le travail paie sur le terrain. Maintenant, on a cette rage, cette envie de les vaincre parce que ce sont des joueurs, une nation emblématique, c’est LE rugby de référence à sept. C’est excitant de les jouer.

Vous êtes septièmes au classement mondial à six points des États-Unis (4ème), vous n’avez goûté qu’à une demi-finale à Dubai en décembre, quel est l’objectif de ce France Sevens ?

PR : Il y en a plusieurs mais celui qui est le plus proche de nous, c’est de rentrer dans le Top 4. On en a les moyens surtout si on arrive à faire un podium donc c’est l’objectif le plus « facile » à atteindre. Après, on a envie de se faire payer, de gagner un tournoi et il n’y a rien de mieux que de le faire à la maison. On va être porté par le public, il n’y a que des signaux positifs.

La dernière et seule fois que la France a gagné un tournoi sur les World Series, c’était en 2005 à Jean-Bouin après une finale contre les Fidji, tu t’en rappelles ?

PR : Bien sûr. J’ai vu tous les matchs et je me souviens que le capitaine, Patrick Bosque, était gersois aussi.

Cela commence à faire beaucoup de signes quand même…

PR : Ouai (il rigole) !