Vice-championne olympique à Tokyo, Caroline Drouin (deuxième sur la photo derrière Fanny Horta la capitaine) est revenue sur cette formidable aventure collective qui vient de s’achever.

Comment vas-tu Caroline ?

Très bien ! Le retour s’est bien passé, nous sommes rentrées lundi matin et nous avons passé la journée au Trocadéro. C’était très sympa de retrouver un peu de monde et de voir des gens tout simplement ! Forcément, comme c’étaient les Jeux olympiques, on a senti un peu plus de soutien qu’en World Series ou qu’en Coupe du monde. Mais comme il y avait le décalage horaire avec la France, on s’était dit que seulement les vrais fans allaient nous suivre et qu’il n’y aurait pas forcément de public. Malgré tout hier, c’était incroyable ! Des gens qui ne suivent pas forcément le rugby à 7 nous ont félicitées. C’est chouette de savoir que l’on a réussi à conquérir d’autres coeurs. 

Donc au final, pas si compliqué que ça d’abandonner le Japon pour revenir en France ?

Vraiment pas ! Surtout que les conditions au village olympique n’étaient pas vraiment au top. Donc on était contentes de retrouver la France avec un peu plus de libertés. Même si c’était quand même fou d’être dans le village et de croiser tous ces athlètes. 

Bon, la médaille est en sécurité ?

Elle est en sécurité, elle ne nous quitte pas trop en général. Pas plus loin d’un mètre de nous ! Après elle est assez lourde donc on ne la porte pas tout le temps, mais elle reste à côté quand même. 

Est-ce que vous réalisez aujourd’hui que vous l’avez fait ou vous êtes encore sur votre petit nuage ?

Un peu des deux… Même si on s’est rendu compte hier qu’effectivement c’était quelque chose d’assez fort. Une belle page du rugby français s’est écrite. On se rend compte que l’on a fait quelque chose de grand, de beau et qu’on restera à jamais les premières. Donc très heureuses et très fières de ça, même si je pense qu’on est encore dans l’euphorie du moment, cela va s’estomper dans les jours à venir. Dans tous les cas, on aura bien profité et savouré ces petites heures dans la lumière.  

« ON N’AVAIT RIEN À LEUR ENVIER »

On va revenir sur cette compétition historique pour vous et pour toi. Première participation te concernant, comment as-tu vécu l’événement ?

Plutôt bien. Le staff nous a bien préparées à considérer ça comme une compétition internationale habituelle, même si c’étaient les Jeux olympiques. Le format et les équipes étaient les mêmes, nous avons l’habitude de les rencontrer tout au long de l’année. Il ne fallait donc pas se laisser submerger par la dimension olympique. Et cette préparation nous a justement permis de rester focus. Même à la fin de la finale on s’est dit entre nous “Ok on a fini deuxièmes, mais ça nous fait ni chaud ni froid pour l’instant. On n’a pas l’impression d’être vice-championnes olympiques, mais juste d’avoir terminé deuxièmes d’un tournoi en World Series” . C’est seulement quand on rentrait au village et que l’on voyait les autres athlètes qu’on se disait qu’effectivement ce n’était pas un tournoi habituel. 

Sur le plan personnel tu avais un rôle particulier de vice-capitaine, comment as-tu géré ça ?

On a toutes une part de leadership dans l’équipe. Quand il (David Courteix) me met capitaine, c’est aussi parce que l’on a la chance d’avoir quasiment deux 7 dans la même équipe et donc on peut se laisser l’opportunité de commencer avec d’autres filles. Tout en gardant la même qualité. Mais honnêtement, quand il me met capitaine à la place de Fanny, ça n’a pas changé grand-chose pour moi. Que ce soit dans ma préparation ou dans le discours d’avant-match. Les filles n’ont pas non plus été perturbées plus que ça, on est restées comme d’habitude. Chacune savait ce qu’elle avait à faire.

Conditions particulières, stade vide, météo capricieuse, des matchs reportés, comment avez-vous géré ça également ?

C’est vrai qu’ils nous avaient annoncé que ça allait être les Jeux olympiques les plus chauds de l’histoire, donc toutes les équipes s’y étaient préparées. Notre staff avait fait un énorme travail pour que l’on soit prêtes et que l’on ne subisse pas les conditions climatiques. On avait notamment été à Dubaï où la chaleur est supérieure, on avait la salle environnementale à Marcoussis. Donc honnêtement, je pense qu’on était l’équipe la moins embêtée par ces conditions climatiques. En tout cas, on n’a pas laissé apparaître sur le terrain que ça nous dérangeait. Malgré tout, il y a eu quelques perturbations avec les orages, mais étant donné que les matchs étaient sacrément espacés au final ça n’a pas tant que ça perturbé le tournoi. Il y a simplement le deuxième jour où un match a été décalé d’une heure et le dernier jour où notre match a été décalé de 30 minutes, mais dans les faits, cela ne nous a pas perturbé plus que ça.

Vous avez commencé la compétition en affrontant les Fidjiennes, véritables surprises de ces Jeux olympiques, comment avez-vous vécu cette entrée en matière ?

C’est toujours très délicat de rentrer dans la compétition. On avait à coeur de bien commencer et nous sommes tombées sur une très bonne équipe des Fidji qui a fait de superbes résultats sur ces Jeux olympiques. Je pense que ça nous a permis de bien rentrer dans la compétition, car elles nous ont proposées du combat et nous ont fait comprendre qu’il n’y aurait pas de matchs faciles. On ne pouvait pas rêver mieux que d’entrer dans la compétition en les rencontrant dès leur premier match.

Cela vous a donc mis une alerte. Vous avez bien enchaîné derrière contre le Brésil et le Canada. Vous êtes-vous senties plus dominantes et plus confiantes sur ces deux rencontres ?

Oui, le score est forcément révélateur. Contre le Brésil on avait à coeur de confirmer et de lancer un peu plus la machine en attaque, en essayant d’avoir plus de ballons. D’être également un peu plus propres par rapport à ce que l’on avait réussi à faire contre les Fidji. Je pense que c’est ce qui a été fait contre le Brésil. Et puis contre le Canada, on visait vraiment la première place. On savait qu’elles avaient fauté en perdant le premier jour contre les Fidji, donc il y avait la place. De notre côté, on voulait confirmer et s’arranger une deuxième partie de tableau plus abordable donc cela passait forcément par une victoire. Ce match contre le Canada restera un match référence, car nous avons été très propres contre une équipe qui nous embête en général et contre qui les victoires ne sont pas toujours au rendez-vous. On était donc plutôt contentes de ce match-là.

Passage en quarts assuré donc, mais contre une équipe chinoise qui vous a néanmoins causé quelques soucis…

C’était avec les Fidji l’une des équipes qui aurait pu réaliser de très belles surprises. Les Chinoises travaillent un peu dans leur coin, mais elles travaillent bien ! Il n’y a qu’à voir leur déception à la fin du match ,elles n’étaient clairement pas là juste pour dire qu’elles étaient en quarts de finale. Elles étaient vraiment venues faire quelque chose et si ça passait par éliminer la France, elles l’auraient bien fait. Donc effectivement pas un match facile, elles nous ont bien analysées, bien embêtées sur nos faiblesses, et nous étions bien contentes d’avoir réussi à passer ce quart de finale. 

L’étape suivante, c’était la demi-finale contre la Grande-Bretagne, considérez-vous cette rencontre comme le match le plus abouti de vos Jeux olympiques ?

Dans la sérénité et la confiance, c’était effectivement le match où il n’y avait qu’une seule option possible : c’était la victoire ! C’est une équipe qui nous a toujours causé des problèmes sur les moments clés. Car on les rencontrait soit en quarts ou en demies, et elles nous faisaient souvent déjouer. On voulait donc bien jouer, que ce soit propre et ne leur laisser aucun espoir. Je pense que cela explique notre bonne entame de match contre elles. Et même si elles ont eu l’opportunité de revenir, on ne s’est pas affolées, ce qui aurait pu arriver dans le passé. 

Vient ensuite le temps de la finale face aux redoutables Néo-Zélandaises…

Les Néo-Zélandaises, on avait regardé leurs matchs pendant la compétition et on s’était dit entre nous qu’on n’avait rien à leur envier. Que c’était possible. Et au final même s’il y a deux essais d’écart à la fin, on n’était pas si loin que ça. Malgré tout, elles réalisent un très bon match de leur côté, ce qui a fait la différence.

Quel bilan tires-tu personnellement de tout ça ?

Évidemment très positif ! On a vécu une belle aventure.

Jade Ulutule et Camille Grassineau en finale face aux Black Ferns (crédit photo : World Rugby).

« TOUT A ÉTÉ FAIT POUR QUE NOUS SOYONS

DANS LES MEILLEURES CONDITIONS

POSSIBLES »

Concernant le groupe, votre lien ensemble n’est plus à présenter. Néanmoins, cela n’a pas été trop dur de laisser quelques copines à la maison ?

C’était forcément difficile. Même si le staff nous a préparé très tôt à cette situation. On savait qu’on allait devoir attaquer le tournoi à 12, avec une treizième joueuse et une 14 et 15 qui n’allaient pas pouvoir rentrer dans le groupe. Donc on savait assez tôt à quoi s’attendre. Malgré tout, cela n’a pas été facile de voir les copines retourner à la maison. Mais on savait qu’on allait vite se retrouver en France et fêter ça ensemble. 

Comment avez-vous vécu la quarantaine sur place, la préparation ?

Au final, la préparation s’est très bien passée. Malgré le contexte, tout a été fait pour que nous soyons dans les meilleures conditions possibles. On ne pouvait faire mieux.

On vous a vu très proches des membres de votre centre d’accueil, peux-tu nous parler de cette relation que vous avez eu avec eux ?

Ils étaient hyper accueillants. Toujours disponibles pour se rendre serviables, donc forcément, nous nous sommes attachées.

Avez-vous instauré des petits rituels pour évacuer un peu cette frustration de la quarantaine ?

Non pas spécialement, on est un groupe qui reste assez naturel à l’extérieur. On aime juste profiter de ses moments passés entre nous hors-contexte sportif.

Quelques anecdotes malgré tout à nous faire parvenir ?

Ce qui va rester, c’est que les Japonais aiment beaucoup les photos. Ils criaient à haute voix avant chaque prise pour nous resserrer et que l’on puisse toutes sourir en même temps. Ça nous faisait bien rire et désormais, à chaque fois qu’il y a une photo, on utilise le terme qu’ils employaient : AïechezeE !

« AÏECHEZEE ! »

Comment vois-tu le groupe désormais ?

On a un groupe qui va peu bouger d’ici 2024. Je ne me fais donc pas de soucis pour l’avenir.

Quels vont être tes prochains objectifs ?

Il y a cette année 2022 où il va y avoir la Coupe du monde à 7 et à XV, espacées de quelques semaines seulement. Mais pour l’instant, on ne sait pas comment cela va s’organiser pour nous. Pour ma part, je vais reprendre le XV en ce début de saison et on verra par la suite.

Le programme pour Caroline Drouin sur les prochaines semaines c’est quoi ?

Là c’est vacances en Bretagne !

Si tu devais finalement résumer ton expérience en un mot ?

AïechezeE !

Les Françaises sur le podium olympique avec leur médaille d’argent (crédit photo : Word Rugby).