Forts de leur expérience avec France 7 et en tant que coach lors de l’In Extenso Supersevens, Clémence Gueucier et Laurent Ferrères ont suivi de près la Coupe du Monde de rugby à 7 en Afrique du Sud. (Crédits photos : FFR/UBB S7VENS/Alizée Cauwel).

FRANCE 7 FÉMININ

Un format piège

CG : Sur ce deuxième match contre les Fidjiennes notamment, j’ai trouvé qu’il y avait eu beaucoup d’erreurs. Sans remettre en cause la qualité des joueuses, bien sûr, mais en rentrant sur un quart de finale important, avec un potentiel égal, elles (les Françaises ndlr) savaient que chaque détail allait compter fortement. Et ce manque de relâchement, dû à l’enjeu du format à élimination directe, a causé pas mal d’erreurs techniques des deux côtés. Cela a manqué également parfois de lecture dans les enclenchements des unes et des autres chez les Bleues. Elles agissaient plus en réaction après un duel fort. Par moments, des enclenchements se sont faits en travers, par exemple, et elles ne savaient pas trop si elles devaient venir à hauteur ou croiser à distance. Je trouve cela moins fluide que l’aspect défensif de cette équipe.

Les sorties individuelles défensives à soigner

CG : Sur le match contre la Nouvelle-Zélande, ce qui est un peu différent, c’est cette première mi-temps qui est interminable ! Il y a 14-7 pendant très longtemps et elles contiennent plutôt bien les Blacks au départ. Mais malgré tout, il va y avoir ensuite cet excès d’envie d’œuvrer pour l’équipe. Il y a des erreurs défensives et des prises de décisions qui ne sont pas adaptées à ce moment-là, et qui font assez mal. Des sorties de ligne franches, des défenses en bord de ruck un peu attentistes. Je pense notamment à la première mi-temps et cette sortie de ligne de Joanna Grisez qui veut monter sur l’avant-dernière pour l’avoir avec le ballon, mais au final, la prise de décision est un peu tardive sur une fille avec une prise de profondeur adaptée. Elle monte fort, mais ne parvient pas à attraper la fille avec le ballon, alors qu’elles sont dans le camp adverse et qu’il n’y a pas véritablement de danger. Derrière, cette prise de risque n’est pas rattrapable et permet à Michaela Blyde d’aller marquer malgré le retour de Lou Noël. Comme on dit au poker : c’est payé-perdant ! On sait que ça ne va pas le faire, mais on y va quand même ! Ces petites erreurs ont fait que le résultat final a été lourd et dur à encaisser. Alors qu’elles n’étaient qu’à douze points à la mi-temps…Au rugby à 7, plus on rencontre les meilleures équipes, plus ça va vite ! Et quand les prises de décisions doivent se faire dans l’urgence, elles se font de manière individuelle. Et même si l’équipe autour réagit, c’est parfois un peu tard. Globalement, il faut surtout rendre hommage à cette équipe de Nouvelle-Zélande très complète et très mobile, qui se détache aujourd’hui avec l’Australie dans une sorte de duo de tête permanent. 

Une défense en béton

CG : Cette équipe de France s’est construite autour d’un noyau très fort et dans un état d’esprit solide autour de la défense. C’est la marque de fabrique. Et cela est exacerbé depuis quelques années entre les joueuses qui arrivent et celles qui sont là depuis longtemps. Car elles progressent physiquement et techniquement. Cette intensité collective est encore plus mise à profit par de la qualité au plaquage et la capacité à enchaîner les tâches. Aujourd’hui, cette défense est très reconnue au niveau mondial. Contre les Fidji, cette défense les sauve et parvient à les remettre dans le match.

Opposition de style face aux États-Unis

CG : Ce qui est génial contre les États-Unis c’est que, malgré l’absence des cadres Camille Grassineau (suspendue) et Jade Ulutule (blessée), elles sont allées chercher la médaille de bronze ! Et nous avons eu vraiment deux styles qui s’opposaient. Les Américaines s’appuient vraiment sur des athlètes et sur de forts potentiels individuels qui leur permettent d’avancer sur le plan offensif. L’équipe de France s’appuie elle plus sur le collectif et sa puissance défensive, avec sa capacité à mettre beaucoup de pression et récupérer les ballons. Et sur le plan offensif, même si l’on va chercher des bouts de lignes avec des joueuses puissantes et rapides comme Lou Noël, Séraphine Okemba et Joanna Grisez, l’enjeu est tout de même de créer une chorégraphie collective où tout le monde va mettre sa pierre à l’édifice. Dans ce dernier match, j’ai trouvé très intéressant la capacité des jeunes à se mettre à la hauteur d’un match de top niveau mondial, mais aussi la capacité qu’elles ont eu collectivement à verrouiller ses potentiels individuels. Ce qui a fait que les États-Unis n’ont pas du tout existé sur cette petite finale, grâce à un match très abouti de nos Françaises qui ont réussi à bloquer le système américain. 

Des jeunes à la hauteur de l’événement

CG : Ce qui est chouette, c’est qu’il y a des Jeux Olympiques dans deux ans et que la formation en France fonctionne bien avec des jeunes potentiels qui émergent et qui sont prêtes. Nos générations sont arrivées au rugby sur le tard, alors que là, ces joueuses sont formées très tôt par les structures fédérales, les académies, voire potentiellement les pôles, mais aussi dans les clubs qui se structurent également. Les filles qui arrivent sont prêtes techniquement, physiquement, et surtout mentalement ! Jouer devant des milliers de personnes dans un stade, être capable d’accepter de ne pas forcément jouer sur un tournoi… Prendre autant de responsabilités à ces âges-là, c’est très positif et de bon augure pour la suite !

FRANCE 7 MASCULIN

Une fébrilité trop présente

LF : Lorsqu’ils multiplient les passes, ils (les Français ndlr) peuvent être dangereux dans le jeu après-contact. Mais je trouve qu’ils se sont un perdus dans ce jeu de passes courtes. Ils ont été beaucoup trop maladroits. Malgré tout, je pense que le jeu français doit passer par là ! Il ne faut pas forcément chercher à déplacer tout de suite, mais plutôt essayer de resserrer la défense par du jeu debout pour trouver de l’avancée et déplacer ensuite sur les extérieurs.  Mais ils ont été fébriles sur ce domaine. Contre le Canada, cela a failli leur coûter le match et contre l’Argentine, c’est un hold-up si ça gagne ! Ils ont été si maladroits sur cette rencontre. Notamment Jean-Pascal Barraque alors qu’il avait fait un superbe match contre les Samoa ! Malgré tout, il y a du mental et cette équipe se bat jusqu’au bout !

Si près et si loin…

LF : On ne sait pas si les Français sont plutôt près ou plutôt loin. J’ai beau avoir regardé les matchs, je n’arrive pas à me faire un avis. Les Samoans et les Fidjiens ont des profils que nous n’avons pas, il faut plutôt que l’on se base sur un rugby comme celui proposé par l’Irlande. Je les trouve assez incroyables depuis trois ans ! Mais intrinsèquement, lorsque tu les regardes, ils n’ont pas forcément de joueurs meilleurs que les tiens. Mais ils sont très efficaces sur la gestion de leur rencontre. Et ça fait trois ans que nous n’arrivons quasiment plus à les battre. L’Australie reste pour moi un cran au-dessus, avec des joueurs très intéressants, mais était prenable. Tout comme l’Argentine.

Une défense en bout de ligne efficace

LF : J’ai bien aimé par moment la défense des Français en bout de ligne. Lorsque le dernier défenseur va attaquer fort l’adversaire, notamment quand celui-ci est un joueur lent. Jonathan Laugel l’a fait plusieurs fois, car il a cette expérience pour le faire. Cela a permis contre le Canada de mettre de l’agressivité, notamment sur les zones de rucks et d’inverser la pression. Mais sont-ils capables de le faire tout le temps ? C’est là que ça devient compliqué…

Des contre-rucks redoutables !

LF : Les contre-rucks efficaces ont permis de tuer des équipes par moment (comme sur cet essai de Nelson Épée). Mais cela demande de l’énergie et le risque de se faire déborder si le ballon sort. Tavite Veredamu a notamment été plutôt bon dans ce domaine, ainsi que globalement sur l’ensemble du tournoi.